Hoax : ceci n’est pas une information

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La Trahison des images de René Magritte, 1929.

Avec La Trahison des images, le peintre René Magritte voulut montrer que la vérité se trouve au-delà des apparences. Ce paradoxe est toujours d’actualité et s’applique parfaitement aux nouvelles formes de médias. De la même manière qu’une image n’est pas un objet, une information publiée sur le net n’en est pas forcement une. Dernier exemple en date : un communiqué diffusé sur le présumé site de l’aéroport de Ouagadougou ayant fait le tour des médias s’est révélé être un canular (« hoax ») monté de toute pièce. Pression de l’audience et de la hiérarchie, chasse effrénée au scoop (et surtout au clic) et une concurrence toujours plus rude sont-ils les seuls facteurs à l’origine de ces dérapages de la part des médias ?

De faux sites, un vrai buzz

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Site de l’aéroport de Ouagadougou, capture d’écran.

 Le 31 octobre dernier, peu de temps après le soulèvement ayant renversé le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, un communiqué apparaît sur le site de l’aéroport de la capitale. Extrait choisi : « Des élections auront peut-être lieu dans les mois qui viennent si le pouvoir de “transition” ne goûte pas trop aux joies du pouvoir ». Deux jours plus tard, l’information est publiée en France. Le Monde, le Figaro, France Info, Europe 1, TF1,… tous reprennent « le surprenant message » de l’aéroport, louant le cynisme assumé de son auteur.

Seul hic : l ‘aéroport ne possède pas de site internet ! Une rapide recherche permet de vérifier que le nom de domaine utilisé a été déposé en août 2012 par un certain Nicolas Desardennes. Ce nom, qui n’a pas d’existence sur internet, est également utilisé pour toute une série de sites d’aéroports africains comme Bamako, Abidjan ou Dakar. Le canular sera finalement dévoilé… par les lecteurs de Libération. Les journalistes font marche arrière et l’auteur du faux-site enfonce le clou, en publiant une image de Dieudonné et de sa désormais célèbre quenelle.

Vite vu et vite paru

La charte d’éthique professionnelle des journalistes rappelle ceci : « Un journaliste exerce la plus grande vigilance avant de diffuser des informations d’où qu’elles viennent. Son exercice demande du temps et des moyens, quel que soit le support. »

Malheureusement, le temps semble être désormais un luxe que les journalistes ne peuvent plus s’offrir. En résulte des articles publiés davantage dans un souci de couper l’herbe sous le pied du concurrent que d’informer. Le développement d’Internet a en effet transformé le flux de diffusion de l’actualité en circuit de formule 1. Avec ses accidents de parcours : en juin 2013, des médias tunisiens reprennent une information du Gorafi. En 2009, pour démontrer le mauvais usage du Web par les journalistes, un étudiant modifie la page Wikipédia de Maurice Jarre. Propos qui seront repris dans des quotidiens comme The Guardian et The London Independent à la mort du compositeur. Morale de l’histoire ? « (Les journalistes) ne devraient pas reproduire des informations dont ils ne peuvent retracer l’origine » , a reconnu The Guardian.

La pression constante exercée par la dictature du clic fait craindre des jours sombres à la déontologie journalistique. De quoi accentuer la méfiance de l’opinion publique envers les faits relatés par les médias, car comme le disait Vladimir Volkoff dans Petite histoire de la désinformation : « il n’y a rien de plus facile que de joindre à l’approximation involontaire, la tromperie délibérée. »

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.