La neutralité du net s’invite en politique

Lundi 10 novembre, le président des Etats-Unis, Barack Obama, a pris position concernant la neutralité du web. Jusqu’alors tenu à la réserve présidentielle, il s’est exprimé contre l’application d’un Internet à deux vitesses, au nom du principe de neutralité qui garantit l’égalité dans le traitement des flux sur Internet.

Depuis des mois, la neutralité du web est menacée par deux acteurs principaux qui réfléchissent à une privatisation partielle de l‘accès aux pages web. D’une part, le régulateur américain FFC (Federal Communication Commission) et d’autre part les FAI (Fournisseurs d’Accès à Internet) envisagent de faire payer les hébergeurs ou les sites internet afin de bénéficier d’un accès plus rapide. En 2010 déjà, Reporters Sans Frontières avait alerté les Etats-Unis et demandé au congrès américain d’agir « pour que le Net puisse rester libre, ouvert et créatif ». Or, le projet des FAI et du FFC met en danger cette définition fondatrice du web.

Pourquoi la neutralité du web est-elle en danger ?

Les opérateurs souhaitent créer des fast lanes, c’est-à-dire des voies rapides, qui privilégieraient l’accès aux sites qui occupent le plus de bande passante. Par exemple, la société Netflix, qui regroupe à ce jour plus de 40 millions d’abonnés, devrait payer une somme astronomique aux opérateurs pour que ses clients disposent d’une vitesse de navigation correcte. Un tel fonctionnement rapporterait évidemment beaucoup d’argent aux FAI, d’où l’émergence de la polémique.

Les raisons de s’inquiéter

Si la neutralité du web est avant tout une problématique économique, elle recouvre un enjeu démocratique essentiel. De la préservation de la neutralité du web dépend en effet l’égalité du traitement de l’information. Andréa Fradin, journaliste pour Slate, explique que la neutralité permet d’« exclu(re) toute forme de discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise sur le réseau ». Sans cette garantie de non-différenciation, les métiers de la presse, et le journalisme notamment, ne sauraient être viables car ils seraient confrontés à une censure économique.

Dans le monde de la presse, la menace prend de l’ampleur. En novembre, la journaliste Alice Antheaume décrétait 2014 « année du recul des libertés numériques ». Alors que la presse papier souffre déjà d’une grave crise, les médias ne peuvent courir le risque de voir le secteur du web, en pleine expansion, être restreint au nom d’intérêts économiques.

 L’engagement des États-Unis

Les Etats-Unis ont été les premiers à réagir. Dans son discours du lundi 10 novembre, Barack Obama n’a pas seulement condamné la perspective de privatiser le web. Il a également formulé des propositions, notamment celle de faire d’Internet un nouveau service public. Par définition sans différenciation ni système hiérarchique, Barack Obama espère agir pour que les usagers aient accès au web comme à l’eau ou l’électricité.

Toutefois, ce projet est vivement critiqué chez les politiques américains. Le sénateur Ted Cruz a considéré dans un tweet publié lundi que la « plus grande menace de régulation qui pèse sur internet est sa neutralité ». En Europe, l’affaire est également loin d’être réglée. Les délégations des états membres de l’Union Européenne se sont réunies jeudi 27 novembre pour discuter du principe de neutralité du web. L’échange n’a abouti à aucun consensus. Le débat a encore de beaux jours devant lui.

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