« Top Contributeur », le cadeau empoisonné des éditeurs ?

Capture d’écran de la page d’accueil de « Top Contributor ».

 Quelques jours seulement avant que Bruxelles ne prescrive — symboliquement — son démantèlement pour pratiques anticoncurrentielles, Google a lancé « Top Contributor » : un nouveau service qui permet aux internautes de contourner la publicité sur internet en rétribuant « directement » les éditeurs. Une décision étonnante du mastodonte américain quand on sait que 90 % du chiffre d’affaire de l’entreprise est issu de la publicité. Le roi Google aurait donc abdiqué ?

Depuis l’avènement de la dictature du clic, l’omniprésence de la publicité est devenue vitale pour un certain nombre de sites. De l’autre côté de l’écran, la navigation peut très vite virer au cauchemar pour les internautes, asphyxiés par des bannières, pop-ups et autres pré-rolls. Pour y remédier, ils sont de plus en plus nombreux à utiliser des logiciels bloqueurs de réclame : 144 millions dans le monde, selon un récent rapport de Page Fair. Il faut dire que l’offre en la matière ne manque pas avec Ghostery, Collusion ou encore NoScript. C’est ainsi que le logiciel Adblock plus — leader du secteur — réunirait, à lui tout seul et en France, plus de 5 millions d’utilisateurs.

Un constat qui n’est pas sans conséquence pour les éditeurs web. Selon Page Fair toujours, les « adblockers » auraient déjà fait perdre un quart du chiffre d’affaires issu de la publicité aux sites internet visités. Si la tendance se confirme dans les années à venir, c’est tout un pan du financement des sites internet qui pourrait disparaître. Ce qui explique sans doute que Google s’en mêle.

« Lorsque vous visitez un site participant à l’expérience Google Contributor, une part de votre contribution revient aux créateurs de ces sites ».

Un web sans publicité, c’est ce que promet la firme de Mountain View depuis le 21 novembre dernier aux internautes qui souscrivent sa nouvelle fonctionnalité. Le principe ? L’intéressé débourse entre 1 et 3 dollars par mois en l’échange de quoi Google propose de faire disparaître la publicité sur les « sites partenaires ». En apparence, le géant américain choisirait donc de satisfaire les internautes en allant à l’encontre de son propre système, le tout en « offrant » une contribution aux éditeurs eux-mêmes. En apparence seulement.

Une fois encore, la démarche est loin d’être désintéressée pour l’entreprise californienne. L’efficacité de « Contributor » est tout d’abord restreinte puisqu’elle se limite aux publicités Adwords de Google — qu’elle remplace par des bannières de « remerciement ». Cette formule pourrait donc inciter les sites qui ne le sont pas encore à être clients de sa régie publicitaire : Adsense. Les publicités Adwords ne sont par ailleurs pas celles qui rémunèrent le plus les cost-graphicsites. Maigre compensation donc pour ces derniers, avec une somme de 1 à 3 dollars reversée au prorata des visites. Et c’est sans compter la commission que le géant du web va prendre sur le montant dont aucun chiffre n’a été communiqué pour le moment.

Enfin, seule une minorité de sites américains — dont The Onion, Mashable ou Science Daily — sont aujourd’hui « partenaires » de « Contributor » pour la simple et bonne raison que le programme en est encore à sa phase d’essai (privée). Difficile à croire donc que les internautes cesseront, à court terme, de recourir à des « Adblockers » avec le lancement de cette nouvelle fonctionnalité. On peut douter également que le lancement de ce nouveau service va endiguer la chute du prix de la publicité. Une chose est sûre en somme : Google, le pseudo « protecteur » des éditeurs, est et restera leur premier prédateur.

ONION
Le site satirique américain, The Onion, est l’un des 6 sites partenaires du programme « Contributor ». / Capture d’écran de la page d’accueil

 

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