Couverture des attentats : quand les médias servent les terroristes

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Quelques jours seulement après la série d’attentats la plus meurtrière qu’ait connue la France depuis une cinquantaine d’années, l’heure est à l’unité nationale et au recueillement. Mais pas seulement. Les actes terroristes de ces derniers jours ont largement été relayés par les médias, au premier rang desquels figurent les chaînes d’information en continu.  Et c’est bien le procès qui leur est fait aujourd’hui, d’aucuns jugeant purement et simplement qu’ils sont allés trop loin dans l’information. Manque de professionnalisme, atteinte à la vie privée, sensationnalisme… Retour sur les principaux « manquements » dont ont fait preuve les médias dans la couverture des récents attentats.

Outre les inexactitudes et imprécisions régulières, fruits de la surenchère informationnelle à laquelle les chaînes info nous ont habitués, le premier grief imputé aux médias aujourd’hui concerne la potentielle mise en danger de la vie des otages que leur surinformation a suscité. C’est ce que la femme de l’un d’eux ne manque pas de dénoncer en condamnant, en direct sur BFM-TV, l’imprudence dont a fait preuve « la première chaîne info de France ».

Le directeur de la rédaction de BFM-TV – joint par Le Monde – en est pourtant bien persuadé, aucune faute grave n’a, d’après lui, été perpétrée.

« A une occasion, le journaliste Dominique Rizet, en plateau, a évoqué une femme qui se serait cachée dans une chambre froide. Mais il l’a fait parce qu’il était en contact avec une personne du Raid sur place, qui lui avait dit que ces personnes-là n’étaient plus en danger, les forces d’intervention ayant pris position près de la chambre froide. »

Autre exemple des risques parfois inconsidérés pris par les radios et les télés : les reporters de RTL et BFM-TV sont entrés en contact avec les terroristes pour réaliser des interviews, en plein milieu de l’événement. Un choix qui aurait pu s’avérer préjudiciable, non seulement pour le travail des enquêteurs mais aussi et surtout pour la (sur)vie des otages.

En décidant de diffuser minute par minute l’avancement des forces de l’ordre, les médias se sont par ailleurs immiscés dans leurs opérations au point d’en gêner parfois la progression. Aussi, c’est tout logiquement que le cameraman de France 2, jugé trop près de l’action, s’est gentiment fait refouler par les forces d’intervention. Voyez plutôt.

Un reporter “refoulé” lors de la prise d’otage… par LeHuffPost

Inutile de préciser que les images diffusées en direct à la télévision étaient par ailleurs richement informatives pour les preneurs d’otages qui pouvaient prendre connaissance, en temps réel, du déroulement des opérations. Nombreux ont ainsi été les internautes à exprimer leur agacement en constatant un tel niveau d’indiscrétion.

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L’ultime chef d’accusation concerne la Une du Point, en kiosques le lendemain des prises d’otages. L’hebdomadaire a choisi d’afficher la photo non floutée du policier Ahmed Merabet, allongé sur le trottoir, quelques secondes seulement avant que l’un des terroristes ne procède à son exécution. Une vitrine de la barbarie terroriste fortement réprouvée par le gouvernement.

L’avertissement semblait clair.

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Et pourtant.

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Légitime mais difficile question : jusqu’où les journalistes peuvent-ils aller pour informer ? Indiscutablement, pour cette fois en tout cas, ce sera au CSA d’en décider.

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