Loi Macron : retrait de l’amendement polémique sur le « secret des affaires »

Loi Macron.Crédit photo: PETIT TESSON-POOL/SIPA

Le projet de loi Macron, qui devait relancer la croissance économique et le pouvoir d’achat de la France avait été présenté mi-décembre en conseil des ministres avant d’être adopté le 19 janvier par une Commission spéciale mise en place par l’Assemblée nationale. Ce projet avait été dès le début vivement contesté, notamment le volet sur « le secret des affaires » qui menaçait la liberté d’informer. Face à la grogne des médias et au levier de bouclier que cet amendement avait suscité, ce dernier point avait finalement été retiré le 30 janvier dernier.


Le texte de départ avait pour objectif de régler « la défiance », « la complexité » et « le corporatisme », les « trois maladies » de la France selon Emmanuel Macron, reprenant l’idée déjà défendue par son prédécesseur, Arnaud Montebourg. Dès le départ, de nombreuses critiques s’étaient élevées, le texte abordant plusieurs dossiers polémiques : travail dominical, professions réglementées…

Une mobilisation pour défendre le métier de journaliste

Mais la révolte a surtout été virulente du côté des médias et journalistes chez qui le projet de loi a suscité colère et effroi. En effet, l’amendement menaçait d’entraver le travail d’enquête des journalistes et, donc en conséquence, l’information du citoyen. Le journalisme d’investigation aurait été touché de plein fouet et muselé.

Pour les journalistes « avec la loi Macron, vous n’auriez donc jamais entendu parler du scandale du Médiator ou de celui de l’amiante, de l’affaire Luxleaks, UBS, HSBC sur l’évasion fiscale, des stratégies cachées des géants du tabac, mais aussi des dossiers Elf, Karachi, Tapie-Crédit lyonnais, ou de l’affaire Amésys ».

« Informer n’est pas un délit ! » ont clamé dans une tribune du Monde des rédactions, écoles de journalisme, agences de presse, sociétés de production, ainsi que des ONG, qui sont montés au créneau pour s’opposer à cet amendement.

Une crainte de dérives liberticides

Sous prétexte de lutter contre l’espionnage industriel et sans aucune concertation préalable, le législateur aurait pu instaurer « une censure inédite en France » comme l’ont dénoncé de nombreux journalistes et rédactions dans ce texte publié dans Le Monde. De plus, c’était les entreprises elles-mêmes qui auraient déterminé ce qui relevait du « secret des affaires ». En somme, avec cette loi, « impossible de vous informer sur des pans entiers de la vie économique, sociale et politique du pays », ont-ils insisté.

Toute personne révélant sans autorisation toute information sensible risquait 3 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. La sanction pouvant même aller jusqu’à 7 ans de prison et 750 000 euros d’amende si les informations divulguées portaient atteinte aux « intérêts stratégiques » de l’entreprise, notion plus que vague… Les journalistes étaient donc en ligne de mire mais également les lanceurs d’alertes, sources précieuses dans de nombreuses affaires.

« Avec ce texte, un juge saisi par l’entreprise sera appelé à devenir le rédacteur en chef de la nation, qui décide de l’intérêt ou non d’une information », poursuivent les signataires. Et de conclure : « Et comme disait George Orwell : “Le journalisme consiste à publier ce que d’autres ne voudraient pas voir publié : tout le reste n’est que relations publiques.” »

Un retrait de l’amendement

Face à ce soulèvement et à la polémique grandissante, Emmanuel Macron essaye de rassurer en publiant trois tweets dans lesquels il assure que ce texte ne vise aucunement à « réduire en quoi que ce soit la liberté de la presse » et promet que des garanties seront apportées lors de la discussion parlementaire.

L’amendement est finalement retiré à la demande de François Hollande vendredi 30 janvier. « Nous gardons la conviction que ce texte n’était attentatoire ni à la liberté de la presse, ni à celle des lanceurs d’alerte mais, vu l’émoi suscité, le groupe socialiste a jugé sage de retirer le texte », a expliqué Richard Ferrand, rapporteur socialiste de la loi Macron.

Cependant le fameux « secret des affaires » ne va pas disparaître pour autant. Il sera de nouveau abordé dans le cadre du projet de loi sur la protection des sources journalistiques, qui doit être débattu dans le courant de l’année à l’Assemblée Nationale.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.