Les médias ne savent plus quoi faire des commentaires (2/2)

Si les commentaires des articles en ligne prêtent généralement à rire, souvent à critiquer, quelques fois vont trop loin, peuvent parfois émettre une réelle opinion ou servent seulement à troller, ils sont une véritable épine dans le pied des médias. Pourquoi les laisser, pourquoi les supprimer. Il n’existe pas réponse exacte, mais certains ont fait leur choix. Ce mini-dossier ne veut pas peser le pour et le contre mais exposer un avis, une décision qui pourront peser dans la balance.

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Entre une liberté totale, restreinte ou nulle, le choix n'est pas simple pour les médias. (Photo V.C.)

« Vous parlez vraiment de moins d’un pour cent de l’ensemble de l’audience qui est engagé à commenter, même s’ils paraissent être une communauté très active. Lorsque l’on prend l’ensemble de l’audience, ces internautes ne représentent pas le lectorat ». Ce sont les mots du responsable du développement numérique de Bloomberg, Joshua Topolsky, lorsqu’il justifiait la suppression des commentaires dans leur structure éditoriale en ligne. Et d’ajouter : « ces gens ne sont pas nos vrais lecteurs donc on peut se permettre de les ignorer, pour prêter plus d’attention seulement aux personnes qui choisissent d’être dans les réseaux sociaux que nous fréquentons, comme Twitter et Facebook ». Les mots sont clairs, l’idée est précise. Bloomberg ne veut pas donner la parole à ceux qui ne le mérite pas, et qui voudrait nuire au média. A un jugement définitif, une décision tranchante.

Malheureusement, ce sont tous les lecteurs qui pâtissent des crimes de leurs compères incivils. Mais qu’en est-il de ces internautes qui veulent donner leurs opinions sans se soumettre à une obligation d’identité via leur profil Facebook, ou ceux choisissent volontairement de ne pas appartenir à ces réseaux sociaux ? Bloomberg se passe de leurs commentaires, bien fait pour eux. Mais la question qui se pose principalement ici, c’est comment un média peut trier ses lecteurs, afin de ne conserver que ceux qui importent vraiment au journal. En somme, et Arrêt sur images le métaphorise parfaitement, comment installer un péage à trolls. Un magazine américain aurait peut-être trouvé la parade idéale pour civiliser les débats et créer un espace d’opinion.

Tablet Magazine est un spécialiste en ligne de l’information culturelle et d’actualité liée à la communauté juive. Rencontrant les mêmes problèmes que ses collègues, le magazine a mis en place un système très simple : si vous voulez commenter, vous payez ! La solution pourrait paraître un peu extrême, cependant pas sans logique. Le pari est risqué mais les résultats peuvent être considérables. Bien que la totalité du site soit gratuit, les internautes doivent désormais débourser deux dollars — 18 dollars par mois ou 180 dollars par an —, pour à la fois commenter mais aussi lire les contributions des autres. « L’internet, avec toutes ses vertus, pose également un défi de taille en matière de discussions et de commentaires civilisés », expliquait Alana Newhouse, éditrice de Tablet, dans un billet (gratuit) pour justifier cette démarche. « Il permet à des individus au caractère destructeur, souvent de manière anonyme, de rabaisser le débat, quand ce n’est pas pire encore ».

Avec cette nouvelle formule, c’est une nouvelle façon de voir l’interaction avec les internautes. Plus qu’une dyade proprette, le média et les lecteurs pourraient alors profiter de cette zone franche pour établir une vraie plateforme d’échange. Si vous payez, vous confirmez « votre engagement à prendre part à une conversation de qualité ». Le risque, comme le précise Slate, serait « une migration des trolls vers la page Facebook du site ». Le community manager aurait alors un sacré boulot de nettoyage.

Avec beaucoup d’autodérision, Tablet considère lui-même cela comme « un vol ». La liberté à un prix, mais avoir la paix aussi.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.