Meerkat, ou la chronique d’une mort prématurée

La question ne se pose presque même plus : l’information doit-elle être traitée ou relayée en premier ? Si les chaînes d’information en continu ont fait leurs choix, les réseaux sociaux ont grandement pesé dans cette tendance. Le dernier outil en date est Meerkat, ou l’application qui fait de vous un journaliste. Son succès a été comme sa mort : instantané.

meerkat

Son nom peut prêter à sourire, puisque le mot meerkat est la traduction anglaise de suricate, un petit animal des plaines du Sud-Ouest africain. Popularisée par le film d’animation Le Roi Lion — on se souvient tous de Timon —, la bête a pour habitude de se dresser droit sur ses pattes arrières, ses yeux vifs grands ouverts, la curiosité aguichée par peu de chose. L’analogie avec les internautes est amusante, elle l’est un peu moins pour le journalisme.

C’est donc de cette association que les créateurs de Meerkat ont développé ce qui paraît être l’outil numérique du journalisme amateur par excellence. Lancée au début du mois de mars sur l’App Store, elle a rencontré un vif succès à ses débuts. Le principe est simple : reliez votre compte Twitter à l’application, partagez vos flux vidéos en direct à vos abonnés, créez des conversations live ou suivez les tendances utilisateurs. Les développeurs peuvent remercier l’acteur Jared Leto, qui a popularisé Meerkat via un Q&A et a propulsé sa notoriété. Il faut dire qu’ils y croyaient, avec les 10 millions d’euros dans la mise de départ. L’histoire était belle puisque que l’app a atteint les 500 000 utilisateurs en peu de temps.

Immédiateté. Instantanéité. L’application n’a misé que sur une seule chose : sa capacité de séduire les plus mordus des réseaux sociaux et sa faculté factice de faire de n’importe quelle vidéo l’objet du buzz. Filmez, partagez, vous serez aimés. Soyez prêt, dégainez votre smartphone en toute occasion et vous serez peut être les premiers à capturez cet instant historique. La promesse est belle, nous sommes tous des reporters improvisés. Mais le programme de streaming vidéo en direct n’a pas vu le coup venir par derrière, et la patte géante de son hôte Twitter est venue l’écraser.

La réaction ne s’est pas fait attendre, et le rachat à 100 millions de dollars de Bounty Labs il y a quelques mois a été le moyen le plus rapide de venir contrer la nouveauté. Surpris par la soudaine concurrence, les équipes de Twitter sont venus prêter main forte à la start-up et ont développé en un éclair une version dont la finalité est exactement la même que Meerkat : quelques jours plus tard, Periscope était sur le marché.

L’app n’est pour l’instant pas intégrée au réseau social et ne le sera peut-être jamais. Periscope bénéfice tout de même du soutien du mastodonte, qui étouffera sans aucun doute dans l’œuf ce semblant de révolution. Evidemment, pendant ce temps-là, Meerkat s’est vu verrouiller le même jour par Twitter toutes ses connexions sur les statistiques utilisateurs, leurs interconnexions et leurs géolocalisations. Au final, Meerkat n’aura jamais réussi à atteindre le Top 100 des applications, alors que Periscope s’y maintient. La levée de fond de près de 14 millions de dollars sera peut-être la planche de salut pour que l’application jaune ne descende pas dans le rouge.

Ou la fable du suricate qui voulait se faire aussi gros que l’oiseau bleu.

CBBUouJVAAAdydy

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Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.