Pourquoi le Kenya n’intéresse pas les médias

Après le massacre de 148 étudiants chrétiens au Kenya le 2 avril dernier, les réseaux sociaux  s’indignent face à la couverture minimaliste que les médias européens ont consacré au drame. Plusieurs explications ont été données par divers médias. Parmi elles, le manque de moyen, la « loi du  mort-kilomètre », ou encore l’ignorance des faits.


« À chaque fois que je regarde le journal télévisé, je suis scandalisée par l’effroyable et banale indifférence des médias face à ce qui se passe dans le tiers-monde. En effet, une vie en Europe en vaut cent en Afrique ou en Asie », dénonce Gladys, une adolescente belge, sur le site d’RTL TVI.

Silence TV

Effectivement, le jour de l’attaque, les médias européens et particulièrement français se contentent du strict minimum pour couvrir la tuerie. Alors que la chaîne d’information américaine CNN est en édition spéciale une bonne partie de la journée, BFM TV et iTélé diffusent uniquement quelques images et n’ouvrent pas leurs éditions avec ce titre. France 2 en touche simplement quelques mots dans sa brève de fin de JT. Chapeau pour TF1 qui, dans son 20 heures du 6 avril n’y fait même pas allusion.

https://twitter.com/HugzeHezefnezer/status/585072086697152516

RFI est l’un des seuls médias européens à dépêcher sur place un envoyé spécial. « Notre auditoire est composé à 90% d’auditeurs africains. Pour nous, c’est le lot quotidien que de s’intéresser à cette actualité-là », explique la directrice de la chaine de radio pour Canal+. Cela voudrait donc dire que les français ou les belges ne seraient pas intéressés par une actualité kenyane de cette ampleur ? Si, mais beaucoup moins que si cela avait lieu au Maroc par exemple.

La loi du mort-kilomètre

Cette théorie qui existe depuis très longtemps porte un nom, « la loi du mort-kilomètre ». Cette dernière indique aux journalistes le degré de couverture que mérite un évènement, en fonction de la distance et du nombre de mort. Un média belge va par exemple couvrir un fait-divers national à partir d’un mort et parfois seulement quelques blessés alors qu’un évènement du même type qui se passe au Japon n’aura de « l’intérêt » qu’à partir d’un nombre de victimes bien plus élevé.

« On s’intéressera toujours plus au meurtre de son voisin de palier qu’à un massacre à l’autre bout du monde »

Pour Christian Delporte, spécialiste en histoire des médias, c’est une des explications principales à la faible couverture européenne du massacre : « On s’intéressera toujours plus au meurtre de son voisin de palier qu’à un massacre à l’autre bout du monde, au présent qu’au futur, à l’argent et aux enfants qu’au grandes problématiques géopolitiques », précise-t-il au Figaro.

Dans son interview, Christian Delporte avance aussi une explication matérielle. Il y aurait de moins en moins de correspondants en Afrique et les agences de presse européennes seraient très peu présentes dans cette partie de l’Afrique.

C’est peut-être la raison pour laquelle certaines chaines comme iTélé « n’ont pas su tout de suite. Je l’ai appris au moment où j’ai vu que CNN n’était pas en breaking news sur les accords entre les Etats-Unis et l’Iran mais sur le Kenya » déclare la directrice de la chaine.

Ça aurait pu être n’importe qui

Les évènements lointains sont généralement très médiatisés que lorsque, comme après le tsunami de 2004 en Indonésie, on peut dire : « ça aurait pu être moi à la place de ces touristes ». Les attaques au Kenya ont été revendiquées par des Shebab de l’Etat Islamique n’ont pas intéressé les médias. Mais ne sommes-nous pas, nous aussi, les cibles des mêmes fanatiques ?

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.