La concentration des médias au Québec

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Si la France dispose d’un dispositif anti-concentration des médias relativement solide, la législation québécoise en la matière apparaît beaucoup plus laxiste. Comme le constatait le Centre d’Études sur les Médias de Laval, « aucune législation visant à limiter de façon spécifique la concentration de la propriété des médias n’a jamais été adoptée au Canada. »

Aujourd’hui, force est de constater que les grands groupes médiatiques québécois coulent des jours heureux. Pourtant, de la concentration des médias dépend la pluralité de l’information et de fait, sa qualité. Ainsi, l’hégémonie de certains groupes pose aujourd’hui problème.

La présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) Lise Millette rappelait en mars dans le Journal de Montréal que « la province n’est pas un bloc monolithique en matière de population et d’opinions: les débats polarisés qui caractérisent notre société en témoignent. D’où l’importance d’une presse riche, dans ses plateformes comme dans sa mission. » Malheureusement, ce plaidoyer pour une presse diversifiée ne fait écho à aucune réalité.

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(Source : CEM de Laval)

En effet au Québec, le groupe Québécor s’impose aisément comme leader du marché médiatique. À ce jour, l’entreprise détient 42 % des médias au Québec, tous supports confondus — l’« Empire Québécor ». Le groupe est notamment l’éditeur de journaux le plus important au Canada, et son Journal de Montréal est le quotidien le plus vendu à Montréal. Pour avoir une vue d’ensemble, Québécor est propriétaire de 76 journaux, de la chaîne de télévision TVA la plus regardée de la province, d’une agence de presse (QMI), d’un réseau de câblo-distribution (Videotron), d’une chaîne de magasins de musique (Archambault), de magasins de films et jeux vidéos et enfin, de divers services de distribution.

33753786(Source : CEM de Laval)

En janvier 2011, d’après Frédérick Bastien, Jean Charron et Florian Sauvageau, professeurs au Département d’information et de communication de l’Université Laval et membres du Centre d’études sur les médias « plus de 80 % des parlementaires étaient d’accord pour dire que “la concentration de la propriété des médias au Québec est un obstacle à la diversité des points de vue qui peuvent s’exprimer dans les débats publics” » (Le Devoir).

A l’heure actuelle, la situation n’a que peu évolué, mais certains présages permettent d’espérer des jours meilleurs. La FPJQ s’est en effet dernièrement félicitée de « l’annonce de la vente des six journaux régionaux de Gesca (le deuxième plus grand groupe médiatique québécois) au Groupe Capitales Médias ». Dans un communiqué de presse datant du 18 mars, la Fédération expliquait qu’ « on assiste rarement à l’émergence d’un nouveau groupe de presse. Ces dernières années, c’est plutôt la tendance contraire qui s’est manifestée avec une concentration de l’information entre quelques mains. L’émergence d’un nouveau groupe ne peut qu’être bénéfique pour la diversité des sources d’information et des voix au Québec ».

Il est bien évidemment de bon augure de constater que les piliers de l’information ne sont pas intouchables. Toutefois, certains restent prudents, comme le journaliste Stéphane Baillargeon. Étant donné que l’ancien patron du groupe Québécor, Pierre-Karl Péladeau (PKP) est actuellement en tête dans la course à la chefferie du Parti Québécois (le parti souverainiste), le journaliste au Devoir s’inquiétait en mars : « on n’a pas encore tout vu puisque, dans quelque temps, nous aurons vraisemblablement un chef de parti lié au plus grand groupe médiatique et culturel du Québec ». Ainsi, outre la bataille pour une plus grande pluralité des médias, le Québec va peut-être bientôt devoir mener celle pour leur indépendance politique. Affaire à suivre…

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