Léa Salamé meilleure intervieweuse de France : un prix qui divise la profession

Léa Salamé : hétérogénéité des réactions. Montage HM.

 

La journaliste est la dernière lauréate du prix Philippe Caloni. La consacrant comme meilleure intervieweuse de l’année 2015. Au-delà du symbole, s’agit-il vraiment d’une reconnaissance unanime par l’ensemble de la profession ? Le sujet divise.

Mardi 24 novembre, plusieurs vedettes du journalisme audiovisuel et radiophonique s’étaient donné rendez-vous dans les locaux de la SCAM (société civile des auteurs multimédia) pour remettre le prix Philippe Caloni. Les huit lauréats des années précédentes font partie du jury : Frédéric Taddeï, Emmanuel Laurentin, Nicolas Demorand, Jean-Jacques Bourdin, Jean-Michel Aphatie, Anne- Sophie Lapix, Marc Voinchet et Thierry Demaizière.

Tous sont venus assister à la consécration d’une journaliste de 36 ans : Léa Salamé. Cette dernière a fait une entrée tonitruante sur le devant de la scène médiatique au cours de la saison 2014-2015. Officiant à la fois sur France Inter, tous les jours à 7 h 50 dans la matinale de la station, et sur France 2 en tant que chroniqueuse, le samedi dans l’émission « On est pas couché », sa nomination au titre de meilleure intervieweuse de l’année est tout sauf une surprise.

Au lendemain de la cérémonie, nombre d’articles élogieux à son égard fleurissent dans la presse. Une femme « pugnace, brillante et rigoureuse » pour Le Parisien. « Une vraie et très grande journaliste » d’après Laurence Bloch, sa directrice à France Inter.

Une semaine plus tard, Léa Salamé est l’invitée de Yann Barthès dans le « Petit Journal » de Canal +. Ici encore, l’émission prend la forme d’un hommage à la journaliste passée par I-Télé, autre chaîne du groupe Canal +. Dans une atmosphère bon enfant, la jeune femme revient sur les moments forts de sa carrière et livre ses secrets pour mener une bonne interview. Un plébiscite médiatique pour celle qui avait déjà été élue femme de l’année 2014 par le mensuel GQ.

Unité de facade 

En apparence, le titre ne semble souffrir d’aucune contestation de la part de la profession. Pourtant, d’autres journalistes ne partagent pas l’opinion largement relayée par une bonne partie des médias nationaux. Ces voix discordantes s’appuient sur des critères strictement déontologiques pour justifier leurs prises de position.

Un détail saute aux yeux : parmi les huit anciens lauréats figurant dans le jury, beaucoup sont des journalistes travaillant (Fréderic Taddeï, Anne-Sophie Lapix, Marc Voinchet, Nicolas Demorand et Emmanuel Moreau) ou ayant travaillé pour les groupes Radio France ou France Télévision (Jean-Michel Apathie et Emmanuel Laurentin). Deux employeurs de Léa Salamé. C’est aussi le cas de Jean-Noël Jeanneney, président du jury et ancien président du groupe Radio France, et Philippe Caloni, dont le prix porte le nom, passé par France Inter et France 2. Dès lors, le principe d’indépendance, si cher aux journalistes, paraît remis en question.

Plus qu’une remise en cause du travail de Léa Salamé, ce sont deux conceptions du métier qui se font face ici. Dans un article paru vendredi dernier, les journalistes Henri Maler et Denis Souchon, du site Acrimed.fr spécialisé dans la critique des médias, mettent en garde : « ce jury est un club de célébrants qui ont en commun de croire et de faire croire que le job de passeur de plats est un métier d’élite qui occupe […] le sommet des métiers du journalisme. ». C’est dit.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.