Mexique : journalistes en danger

La liberté de la presse, une utopie au Mexique ? Image CC Cuartoscuro.

Trois journalistes tués en seulement un mois, soit le tiers du bilan atteint fin 2015. En ce début d’année 2016, le Mexique confirme son statut de pays où l’on ne peut exercer la profession en toute sécurité. Un constat alarmant, qui ne date malheureusement pas d’hier.

Nous sommes le 21 janvier. Alors qu’il monte dans sa voiture à San Andrés Huaxpaltepec (Mexique), Marco Hernández Bautista reçoit une balle dans la tête. Ce photoreporter de 38 ans était correspondant pour le journal Noticias Voz e Imagen, mais également collaborateur de plusieurs radios. Le lendemain, à seulement quelques kilomètres, l’horreur se poursuit. Reinel Martínez Cerqueda (43 ans), journaliste au sein de la radio communautaire El Manantial est tué par balles dans la ville de Santiago Laollaga.

Malheureusement, le bilan va encore s’alourdir. Le 8 février dernier, Anabel Flores Salazar, reporter pour le quotidien El Sol de Orizaba, est enlevée par un groupe d’hommes armés alors qu’elle se trouvait à son domicile dans l’État de Veracruz. Sa dépouille, identifiée par ses proches, a finalement été retrouvée 24 heures après, à demi-dénudée, la tête recouverte d’un sac plastique. Cette jeune mère de 32 ans était spécialisée dans les enquêtes criminelles. Le Mexique étant un pays où la criminalité et la corruption sont très élevées, difficile de ne pas y voir un lien de cause à effet.

L’émotion et l’indignation

Ces trois assassinats ont bien évidemment entraîné de très nombreuses réactions. Reporters sans frontières (RSF) a tout d’abord exprimé son « sentiment d’horreur face à un tel acte ». Dans un texte publié sur son site, l’association « réitère sa demande auprès des autorités mexicaines pour mettre en place des mécanismes de protection efficace de la presse, afin de garantir la sécurité des journalistes ». 

Amnesty International a également réagi au meurtre d’Anabel Flores Salazar. « La découverte du cadavre d’une journaliste spécialisée dans les affaires criminelles, qui avait été enlevée lundi 8 février 2016, vient rappeler de façon tragique la dure réalité à laquelle sont confrontés des milliers de journalistes dans tout le Mexique, l’un des pays au monde les plus dangereux pour les professionnels des médias » peut-on notamment lire sur leur site.

« Le cocktail violence/corruption/impunité fait du Mexique un pays catastrophique pour la pratique du journalisme »

 

Emmanuel Colombié, responsable du bureau Amériques de RSF.

Les propos du Pape comme un symbole

Cette affaire est intervenue quelques jours seulement avant l’arrivée du Pape François au Mexique. Dans l’une de ses interventions, ce dernier a vivement dénoncé la criminalité et la corruption sévissant dans le pays. Le 14 février, s’exprimant devant une foule de plus de 300 000 personnes, le souverain pontife a notamment exhorté les Mexicains à « transformer leur pays en une terre qui ne devra pas pleurer des hommes et des femmes, des jeunes et des enfants qui finissent, détruits, dans la main des trafiquants de la mort ». Un discours qui fait échos à ces trois meurtres commis récemment.

Dans son communiqué, Amnesty International en profite également pour adresser un message clair aux autorités mexicaines : « en refusant de protéger ceux qui dénoncent la sombre réalité de la violence au Mexique, les pouvoirs publics ne font que chercher à escamoter discrètement le problème» Selon RSF, au Mexique, 89 journalistes ont été tués et 17 ont disparu depuis 2000. Des chiffres qui font du pays l’un des plus mauvais élèves du classement mondial de la liberté de la presse établi par l’association en février 2015 (148e sur 180). En observant le début de l’année 2016, force est de constater que la situation est loin de s’améliorer.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.