Burkina : le journal L’Événement interdit de publication pendant un mois

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Le 18 février dernier, le Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina Faso a décidé de suspendre pendant un mois la parution du journal L’Évènement. Le bimensuel est accusé de « diffusion de secret militaire » et « mise en péril de la sûreté de l’État. » Les journalistes auraient publié des informations potentiellement dangereuses dans leur dossier « Les poudrières du Burkina » du 10 février 2016. L’institution de régulation affirme que le journal a livré « plan à l’appui, des informations techniques et géographiques des différents dépôts d’armements des Forces armées nationales. » Une accusation que l’un des journalistes de L’Événement, qui a tenu à rester anonyme, réfute. Il parle d’une décision « très malveillante » dans une interview accordée à Burkina24.

L’homme a déjà affirmé que la rédaction souhaitait faire appel de cette décision de justice. Selon lui, le journal n’est pas en tort. Il affirme que les lieux localisés sur la carte qu’ils ont publiée sont d’anciens dépôts désaffectés, ce qui ne constitue pas des « dispositifs stratégiques » à ses yeux. De plus, la facilité avec laquelle les journalistes ont eu accès à l’emplacement de ces structures — moins d’une semaine d’enquête — prouve selon lui que ces informations ne sont pas secrètes. « Si nous, simples journalistes, nous pouvons en un temps si bref découvrir sans coup férir ces secrets, qu’en sera-t-il des gens mal intentionnés qui sont justement tout sauf des novices sur des questions militaires ? »

La rédaction de L’Évènement va même plus loin : leur article ne mettrait pas en danger les forces armées burkinabé, mais permettrait au contraire d’améliorer la sécurité dans le pays. Le journaliste affirme que leur travail « devrait servir à se remettre en cause et à questionner l’ensemble du dispositif militaire et sécuritaire pour justement le mettre à l’abri. » Leur indiscrétion serait donc un geste d’utilité publique.

La rédaction entretient depuis longtemps des rapports difficiles avec la justice. Les journalistes de L’Événement s’étaient déjà fait recadrer lorsqu’ils avaient publié un article sur les problèmes de distribution des salaires au sein de l’armée en 2015. Au Burkina Faso, on ne plaisante pas avec la chose militaire, surtout dans le contexte actuel plutôt tendu depuis l’attentat du 15 janvier à Ouagadougou.

Le problème, comme le souligne le journaliste interviewé, c’est que le secret militaire n’est pas bien défini. Il demande au CSC de mettre à la disposition des médias une liste de ce qui est considéré comme un secret militaire pour éviter certains écarts.

Pourtant la question de la légalité ou non de cette publication n’est pas centrale. Au Burkina, bien que la liberté de presse soit, sur le papier, totale, il existe de nombreux sujets tabous. Les journalistes s’autocensurent souvent, et ils n’ont pas l’habitude d’apostropher les autorités. Lorsque c’est le cas, la justice trouve souvent un moyen « légal » de réprimer les auteurs d’articles anti gouvernement en choisissant un chef d’accusation presque au hasard pour justifier une action illégitime.

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Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.