La transparence : rêve ou réalité des nouveaux médias ?

Image StockSnap.
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8e étage, Ulyces, L’imprévu : tous ces jeunes pure-players ont en commun de s’être engagés dans le slow journalism, travail de recueil et mise en forme de l’information au long cours, aujourd’hui très en vogue. Mais ces nouvelles rédactions se distinguent aussi par leur attachement à une certaine transparence.

En s’attardant sur les pages « Qui sommes-nous ? », « FAQ » ou « Charte éditoriale » des nouveaux médias qui fleurissent ces derniers temps, on s’aperçoit que beaucoup ont à cœur d’« aboli[r] les barrières entre le lecteur et les journalistes » (Charte de 8e étage). Comment ? En communiquant de manière beaucoup plus franche et directe le détail de leur fonctionnement.

Beaucoup ont fait appel au crowdfunding pour collecter des fonds pour le lancement de leur média — c’est le cas des Jours, de 8e étage, ou encore d’Ijsberg. En plus de détailler leurs besoins financiers, ils ont dû détailler leur projet éditorial par le menu, condition sine qua non pour justifier un « investissement ». Dans le cas de brief.me, la newsletter qui fait un point quotidien sur l’actualité, des Joursles mécènes ont même pu jeter un coup d’œil de l’autre côté du rideau et observer la construction du média lors d’une phase de « bêta ».

Une fois le média lancé, les lecteurs/bailleurs de fonds sont informés régulièrement des évolutions internes à la rédaction (toujours dans le cas des Jours)­ ou éclairés sur la manière dont un article a été réalisé (« La fabrique de l’info » à la fin des articles de L’Imprévu). Les journalistes ne se cachent pas derrière leurs articles mais donnent à voir leur visage et leurs réflexions sur les réseaux sociaux, voire parfois leur adresse e-mail personnelle.

Quid de la stabilité économique de ce modèle ?

Cette transparence revendiquée invite à une certaine honnêteté, notamment en matière de modèle économique. Ainsi, les dons et abonnements sont censés financer ceux qui font le journal, ou être réinvestis dans l’appareil « industriel », mais pas — du moins pas encore — constituer de larges profits. Mais cette vertu théorique se transforme parfois en cauchemar pratique, les lecteurs n’étant pas forcément aussi attentifs que des actionnaires obsédés par le ROI.

C’est ce qu’a récemment montré Acrimed dans un long article regroupant de nombreux témoignages de collaborateurs d’Ijsberg. Ce pure-player, l’un des plus en vue du moment, « propose à ses lecteurs de prendre leur temps pour lire de longs reportages “calmement”. Du calme et de la patience, il en faut manifestement aussi pour les pigistes qui y travaillent » soutient Acrimed. En effet, certains collaborateurs d’Ijsberg auraient été payés au noir, ne recevant aucune fiche de salaire… quand ils sont payés.

Là où beaucoup y voyaient au départ « une incompétence enfantine » des fondateurs, une mise en marche de la machine, ils se sont par la suite rendu compte « d’une fraude massive. » Pas de quoi jeter tout à fait l’opprobre sur le modèle du slow journalism, qui reste un formidable laboratoire d’idées. Ils testent des modèles éditoriaux, économiques, tombent et se relèvent. Le 14e et dernier point du Manifeste des slow media (venant d’Allemagne, traduit en français sur Owni), résume la situation :

« Les slow media cherchent la confiance et ont besoin de temps pour devenir crédibles. Derrière les slow media il y a des hommes. Et cela se ressent. »

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.