Venezuela : un directeur de journal condamné pour avoir dénoncé la corruption

Les Unes du Correo del Caroní à l’origine de la condamnation de David Natera Febres.

 

David Natera Febres, directeur du journal vénézuélien Correo del Caroní, a été condamné, vendredi 11 mars, à quatre ans de prison. Son crime ? Avoir révélé la corruption d’une entreprise publique. Une nouvelle preuve de la censure de la presse au Venezuela. 

L’affaire commence en mai 2013. David Natera Febres, le directeur de la rédaction du Correo del Caroní, un journal régional de l’État de Bolívar, décide de publier une série d’enquêtes. Ces dernières accusent de malversations et d’extorsions plusieurs personnes liées à l’entreprise publique Ferrominera Orinoco. Plus précisément, les révélations mettent en lumière un système de chantage entre un dirigeant des services secrets vénézuéliens et ce grand groupe minier.

Poursuivi pour diffamation et injures par Yamal Mustafa, l’entrepreneur à l’origine de la plainte, David Natera Febres vient d’être condamné à quatre ans de prison, assortis d’une amende de 200 000 dollars. Pire encore, le directeur du Correo del Caroní s’est également vu interdire par le juge de publier tout article sur Yamal Mustafa. Ce dernier a quant à lui été relâché, après avoir purgé ses deux années de prison.

La colère et l’indignation

Cette condamnation a bien évidemment entraîné de très nombreuses réactions. Cité par Tal Cual, l’avocat de David Natera Febres estime que la sentence « vise à ligoter les journaux d’investigation et, par conséquent, à restreindre la liberté d’expression et d’information ». Dans le quotidien El Universal, le rédacteur en chef du Correo del Caroní déplore lui une décision qui « criminalise le journalisme libre ». El Nacional parle même d’un vendredi noir pour la presse vénézuélienne.

« Le Correo del Caroní a été condamné pour avoir exercé son indépendance éditoriale et contribué à la transparence. »

 

— Oscar Murillo, rédacteur en chef du quotidien, sur Twitter.

L’inquiétante situation du journalisme

Au Venezuela, la liberté de la presse est une utopie. Le Correo del Caroní avait déjà été obligé de réduire sa pagination et sa périodicité, à cause des restrictions de papier journal, distribué par une entreprise contrôlée par le pouvoir. Huit journaux régionaux ont déjà disparu au Venezuela pour la même raison. Mais c’est l’ensemble de la presse qui est visée par la censure : fermeture de radios et de chaînes de télévision, désinformation, crimes de journalistes…

En réalité, très peu de Vénézuéliens ont accès aux médias officiels, la grande majorité devant se contenter de médias autocensurés. Dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse, publié par RSF, le Venezuela faisait partie des plus mauvais élèves : 137e sur 180. En mai dernier, la juge María Eugenia Núñez a par exemple interdit à 22 directeurs de journaux de sortir du pays pour avoir divulgué des informations sur Diosdado Cabello, le numéro deux du gouvernement.

David Natera Febres reste quant à lui en liberté, en attendant son procès en appel. Mais il ne peut quitter le pays et ne doit se présenter devant la justice que tous les trente jours. Et s’il fallait une dernière preuve du manque d’indépendance de la justice, Yamal Mustafa, à l’origine de sa condamnation, est le beau-frère du gouverneur de l’État de Bolívar…

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.