Réforme des médias en Thaïlande : vers un peu plus de censure ?

Emblème national de la Thaïlande.

Depuis décembre 2016, le gouvernement militaire thaïlandais prépare une réforme pour la « protection, la promotion de l’éthique et des normes professionnelles des médias ». Le projet de loi en est à sa dernière étape, en attente d’approbation par la Cour constitutionnelle.

L’Association des journalistes thaïlandais a qualifié 2016 d’année de « l’ingérence gouvernementale dans les médias et de leur suppression ». Le comité de la réforme nationale, chargé d’élaborer la nouvelle constitution adoptée par référendum en aout 2016, a lui inscrit à l’article 41, sa volonté de former un conseil de régulation des médias. Ce dernier aurait le pouvoir d’attribuer ou de retirer leur licence aux médias professionnels. Il pourrait aussi statuer sur les plaintes concernant les violations des droits des personnes par les journalistes, et imposer des amendes s’il considère que l’éthique journalistique a été bafouée. Ce comité sera composé de treize membres, des secrétaires permanents émanant de quatre ministères.

La menace de la régulation

Meechai Ruchupan, président du comité de la réforme nationale, pense qu’il est urgent que les médias de masse se réforment par eux-mêmes. Une manière de dire qu’ils doivent accélérer sa mise en place, sinon le contrôle passera sous l’autorité de la junte au pouvoir. Thepchai Yong, rédacteur en chef de The Nation et président de l’Association des journalistes thaïlandais de l’audiovisuel, explique que le gouvernement considère que l’autorégulation est « un mythe et un échec ».

L’Association des journalistes thaïlandais a accusé le Conseil national pour la paix et l’ordre, où siège le Premier ministre Prayut Chan-o-cha, d’avoir une « attitude négative envers les médias ». Cette association s’est jointe à celle de Thepchai Yong et à trois autres organisations médiatiques pour s’opposer à la réforme. Ils ont adressé une lettre au comité chargé de son élaboration rassemblant leurs propositions. Ses membres sont disposés à les prendre en compte, mais ne souhaitent pas remettre en cause le projet de loi. Il leur semble nécessaire, afin d’accompagner le travail d’autorégulation des médias dans un contexte de développement rapide des nouvelles technologies.

Un nouveau « big brother »

Thepchai avoue que l’autorégulation n’est pas toujours efficace, mais se dit préoccupé. Les membres du comité pourraient représenter leurs intérêts politiques à travers ce conseil. Les officiels qui souhaitent contrôler les médias devraient être le sujet de leur vigilance et non l’inverse. Dans une tribune, il qualifie même le conseil de « big brother ». Suthichai Yoon, co-fondateur du groupe Nation Multimedia, pense que la réforme est « une atteinte à la liberté de l’information ». Il dénombre trois façons communes de restreindre la liberté de la presse en Thaïlande : « statuer sur le contrôle des licences, créer des organes de régulation symboliquement indépendantes, et imposer des contraintes fortes et floues aux journalistes ».

Les politiques et les bureaucrates pourront décider de « qui peut ou non devenir un média professionnel ». Cette notion questionne Suthichai Yoon, « dans ce cas, tout citoyen avec un téléphone portable devrait obtenir la permission pour poster n’importe quel message en ligne. »

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.