En Hongrie, quelles nouvelles du Népszabadság ?

Les locaux du Népszabadság. Image CC VinceB.

En octobre 2016, le Népszabadság était brutalement suspendu par son récent acquéreur, Mediaworks, pour « raisons économiques ». Quelques mois plus tard, quelle est la situation du principal journal hongrois d’opposition ?

« Liberté du peuple », c’est le nom de ce journal fondé en 1956. S’il a été créé par le Parti social ouvrier hongrois, le parti unique de la République populaire de Hongrie, il a évolué en même temps que le paysage politique, se positionnant comme le Parti socialiste hongrois au centre-gauche. De journal officiel du régime, le Népszabadság est donc devenu un journal d’opposition au gouvernement conservateur de Viktor Orbán.

Or il appartient depuis 2014 par le groupe Mediaworks du magnat autrichien Heinrich Pecina, qui maintient des liens serrés avec le Premier ministre hongrois. La rédaction fonctionnait bon gré mal gré, et avait prévu de changer de locaux. Jusqu’à cette annonce du samedi 8 octobre 2016, au cours de laquelle les employés ont appris en même temps que leurs lecteurs la fermeture immédiate du quotidien. Bien qu’il détenait le plus fort tirage de presse quotidienne en 2016, Mediaworks affirme que ses ventes ont considérablement chuté — il est vrai qu’elles ont « plongé de 74 % au cours des dix dernières années, soit de 100 000 exemplaires » comme le dit Le Monde.

Une réaction de solidarité (inter)nationale

Des milliers de personnes s’étaient rassemblées devant le Parlement pour manifester leur soutien à l’annonce de cette nouvelle, encouragés par le quotidien proche de la rédaction, Népszava. Des titres autant de gauche que de droite se sont également indignés, ainsi que certains hommes politiques, dénonçant une atteinte à la liberté de la presse : « le gouvernement a décidé ”de liquider l’un des plus vieux titres de presse du pays” », « inacceptable », « le plus grand crime jamais commis par Viktor Orbán » relevait le média francophone Hulala.
En France, en plus d’y consacrer sa Une, le journal Libération avait ouvert ses pages aux rédacteurs en chef du journal disparu, András Dési et Gábor Horváth. Assez ironiquement, c’est dans les pages du Fedél Nélkül, le journal vendu par les sans-abris de Budapest, que les journalistes ont trouvé un hébergement à la suite de ces évènements pour un numéro spécial, tirant exceptionnellement à 12 000 exemplaires.

« Victoire posthume et symbolique »

Fin octobre, Mediaworks a revendu le Népszabadság (ainsi que douze autres titres régionaux) au groupe Opimus, lié à un fidèle de Viktor Orbán, ne laissant plus aucun espoir de résurrection pour le journal ou ses salariés. Ce changement de situation a permis au comité d’entreprise de saisir le tribunal du travail le 5 janvier 2017 : l’actionnaire était bel et bien dans l’illégalité, car il n’avait « pas respecté la loi qui impose de négocier avec le comité d’entreprise ».

Reporters sans frontière a salué cette décision, mais le titre de son communiqué résume bien la situation : « Hongrie : Victoire posthume et symbolique pour les journalistes de Nepszabadsag ». « En recul démocratique constant depuis l’accession au pouvoir du Fidesz, en 2010, la Hongrie est classée 67e sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2016. Le pays accuse une chute de 48 places en seulement cinq ans », explique l’organisation. Pour ce qui est des membres du “Népszabi”, certains ont pu trouver une place dans des rédactions considérées comme éloignées du cercle d’influence du Premier ministre, comme Népszava. D’autres, en revanche, préparent la création d’un pure player indépendant, innovant et probablement impertinent.

 

 

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.