Rupert Murdoch, le loup de Fleet Street

Rupert Murdoch le 27 avril 2011, pour la célébration du 10e anniversaire du Tribeca Film Festival, organisé par Vanity Fair. Image CC David Shankbone.

NewsCorp, l’emblématique entreprise de l’homme d’affaires australo-américain, s’est fait épingler en raison de ses relations privilégiées avec le pouvoir exécutif britannique. 

Rupert Murdoch aurait-il les clés de Downing Street ? Un rapport publié le 5 février par Media Reform Coalition et 38 degrees lève le voile sur les liens étroits qu’entretiennent le magnat de la presse anglo-saxonne et le gouvernement britannique.

22 rencontres pour NewsCorp, 7 pour la BBC, 4 pour The Independent

22 rencontres en 18 mois. Les deux organisations activistes ont recensé les rendez-vous réguliers entre les cadres de NewsCorp et les gouvernements de David Cameron et de Theresa May entre avril 2015 et septembre 2016. L’empire médiatique de Rupert Murdoch a ainsi profité d’un accès « stupéfiant » aux « politiciens de premier rang » selon Maggie Chao, militante à 38 degrees. À titre de comparaison, Downing Street n’a accordé que sept entretiens à la BBC sur la même période, et quatre pour le propriétaire de The Independent et The London Evening Standard.

Ces révélations agacent les concurrents, inquiètent les défenseurs de la démocratie, et dérangent les principaux concernés. Bref, elles remettent en cause l’impartialité de NewsCorp. Or, l’entreprise s’est offert une place de choix à Fleet Street, surnom donné à la presse britannique. Elle détient The Sun, le tabloïd le plus vendu du Royaume-Uni, mais le plus respecté The Times. La griffe de Murdoch s’étend également sur le paysage audiovisuel. La 38e fortune mondiale selon Forbes aimerait mettre la main sur la totalité de SkyTV, une chaine de télévision britannique dont il détient déjà 39 % du capital.

La patte de Murdoch dans les élections législatives britanniques

Rupert Murdoch joue-t-il les chefs d’orchestre sur les lignes éditoriales de ses médias en fonction de ses affinités politiques ? La campagne des élections législatives, en avril 2015, laisse peu de doutes. D’après Courrier International, The Sun affichait fièrement son soutien au Premier ministre conservateur David Cameron. Selon The Independant, Murdoch en personne aurait insisté auprès des équipes de NewsCorp pour évincer le principal rival de David Cameron : Ed Miliband, à l’époque leader du parti travailliste. En mai, George Osborne, alors ministre des Finances, et Robert Thompson, directeur général de NewsCorp, déjeunaient ensemble, apprend-on dans The Guardian. Le même mois, le Parti conservateur remportait 329 sièges sur les 651 que compte le Parlement.

La réalité est toutefois plus nuancée. The Scottish Sun, la version écossaise du Sun, soutenait quant à elle le Parti national écossais (SNP) face aux conservateurs lors des mêmes élections législatives. Par ailleurs, The Sun n’a pas soutenu David Cameron sur le Brexit. Alors que le Premier ministre britannique faisait campagne pour le camp du Remain, The Sun était un farouche partisan du divorce entre Londres et Bruxelles.

De l’autre côté de l’Atlantique…

Les aventures de Murdoch se poursuivent aussi de l’autre côté de l’Atlantique. Cette fois, une seule rencontre a suffi à faire scandale. Le 15 janvier, The Times dévoile en exclusivité la première interview du président élu Donald Trump par un quotidien britannique. Le 5 février, The Financial Times dévoile lui aussi une exclusivité. Michael Gove et de Donal Trump n’étaient pas seuls lors de l’entretien. Rupert Murdoch, propre du milliardaire américain, était secrètement assis dans la salle. Tel un loup qui guette la docilité de sa brebis journaliste ? The Financial Times met en garde, mais se garde de donner une morale à ce conte contemporain.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.