Média-boom à Maurice

Le premier numéro de Bonzour, nouveau quotidien mauricien, est paru le 17 mars.

Le printemps mauricien a vu éclore cinq nouveaux titres en l’espace d’un mois. À croire que Maurice est étranger aux difficultés que connaissent les médias en occident. L’île de l’océan indien a-t-elle un climat économique particulièrement propice à la flore médiatique ? Gare à ne pas aller trop vite en besogne…

Un « média-boom », c’est l’expression utilisée par plusieurs journalistes pour désigner le phénomène de ce mois de mars à l’île Maurice. Cinq médias ont été lancés : la radio NRJ Maurice, le site internet lepoint.mu, deux quotidiens d’actualité, Bonzour et GNews, et un magazine économique, Le Mémento. Le Matinal, quotidien stoppé pendant un an, fait également son retour. Alors qu’en occident, la presse écrite semble menacée, poussant certains pays à s’inquiéter des conséquences sur la démocratie, on compte ici quatre nouvelles publications écrites. Pour autant, conclure à une santé exceptionnelle du marché médiatique mauricien, comme à un progrès démocratique, serait une méprise.

« Maurice, entre Afrique et Europe »

Il existe une particularité du marché mauricien, due à sa situation ambiguë, entre pays dits développés et en voie de développement. Christina Chan Meetoo, spécialiste des médias à Maurice, explique : « Nous avons d’un côté l’Afrique et l’Asie, où il y a une forte demande d’information, et donc de la place pour de nouvelles publications. De l’autre, l’Europe où l’offre est déjà complète et le marché, saturé. Maurice se situe entre les deux ». Si le lecteur mauricien achète encore des publications papiers, la concurrence du web est bien présente. D’ailleurs, Le Matinal, journal stoppé un an et qui vient d’être relancé, s’est mis à jour : sa nouvelle version comprend un site web et une présence sur les réseaux sociaux. Ici aussi, créer un titre de presse écrite est un pari risqué. « Il y’a parfois de nouvelles publications, mais qui ferment leurs portes après les élections, quand la demande retombe », explique le professeur Meetoo.

Plus de titres = plus de démocratie ?

« Une presse plurielle est très nécessaire en démocratie » affirmait Philippe Forget, se réjouissant dans une interview de la sortie de Bonzour, nouvelle publication du groupe La Sentinelle dont il est le président exécutif. Chaque nouvelle publication vient élargir la gamme de points de vue offerte au lecteur, ce qui lutte contre l’instauration d’une pensée unique, dogmatique. Mais c’est sans compter la concentration médiatique, forte à Maurice. Seuls les grands groupes ont une stabilité financière suffisante pour se lancer dans de nouvelles publications.

Christina Chan Meetoo déplore que les deux grands groupes concurrents, Le Défi et La Sentinelle, se partagent le marché, laissant peu de place aux petits acteurs indépendants. Le média boom de mars n’est pas nécessairement une avancée démocratique : sur les trois nouvelles publications écrites, Bonzour est lancée par La Sentinelle, et GNews est le journal officiel du gouvernement, géré par le responsable de la communication du Premier ministre ! En marge des principaux médias, on relève tout de même lepoint.mu. Le site est lancé par deux journalistes, l’un issu du groupe Défi Média, l’autre ex-Le Matinal. Ils sont venus défendre une nouvelle vision du journalisme « (…) pour faire de la place à des débats sains et constructifs ». Une fois de plus, le renouveau est plutôt du côté du web.

 

 

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.