Rabin Bhujun : « On ne s’est pas frayé un chemin, on a créé le chemin »

Rabin Bhujun, fondateur et directeur d’Ion News. Image Ion News

Ion News se veut neutre, accès sur la politique et non sur les faits-divers. Rabin Bhujun, créateur il y a 3 ans et directeur de ce pureplayer, nous en parle. Interview.

Vos contenus sont très axés sur la politique, à qui s’adresse Ion News ?

« Effectivement, Ion News est perçu comme un site d’information qui produit énormément de nouvelles politiques. Les Mauriciens disent d’eux-mêmes qu’ils ont deux sports nationaux : la politique et le football. N’étant pas des experts dans le foot, nous avons choisi notre créneau. Ion News est majoritairement regardé par les jeunes. Si on se fie aux statistiques, 70% du public ont moins de 35 ans. A la base, on voulait parler de politique à ceux qui ne s’y intéressent pas. Mais on s’est vite rendu compte, à travers de grands rendez-vous nationaux que la politique intéresse énormément. »

Quelle est la ligne éditoriale de votre pureplayer ?

« On a commencé en ayant l’objectif de montrer et démontrer qu’on était indépendant et pas adossé à un gros groupe financier comme les grands groupes de presse. On a créé Ion News au moment où un gouvernement quittait la scène et un autre arrivait. Certains groupes étaient vus comme roulant pour les uns ou pour les autres. Notre but a été d’être perçu comme étant ceux qui ne prennent pas parti. C’est également le fait de ne pas ajouter de commentaires sur les vidéos. Laisser les vidéos en mode brut, un peu comme le « No comment » d’Euronews. Laisser ceux qui regardent les vidéos se faire une opinion. La politique c’était un choix, un réflexe. On allait couvrir un secteur dans lequel je m’y connais, dans lequel j’ai un réseau, de l’influence, de l’expertise. On a fait le choix de ne pas traiter les faits-divers, par exemple. Ce sont des choix personnels par rapport à ce qu’on sait faire, ce qu’on aime faire et ce qu’on veut faire. »

D’ailleurs, vous avez récemment traité le retour de John McAreavey, le veuf de Michaela tuée pendant sa lune de miel à Maurice en 2011 et la saisie de 135 kilos de drogue, pensez-vous à traiter des faits divers afin d’avoir plus de vues ?

« Ce ne sont pas des microphénomènes, ce sont des phénomènes qui concernent le pays en général. En 2011, une touriste est tuée dans un hôtel. Dans un pays où l’essentiel des retombées économiques est le tourisme. Ce n’était pas le meurtre en lui-même, sans manquer de respect à la victime, c’était tout le phénomène autour. 135 kilos d’héroïne, valant 2 milliards de roupies, qui arrivent dans le port de la capitale. Plus le fait qu’on comprend que ce n’est pas la seule cargaison de ce type-là qui a pu transiter par le pays. On parle de Maurice en tant que plate-forme tournante de la drogue. On ne pouvait pas ne pas traiter le sujet. En revanche, même si on a besoin de vues, on n’en fera pas sur tout et n’importe quoi. Il y a une explication économique aussi. Nos annonceurs s’attendent à être à côté de contenus sérieux et ne s’attendent pas à ce que nous allions sur du trash, du sensationnel. »

Vous étiez rédacteur en chef dans le plus important quotidien national, pourquoi avoir créé Ion News il y a 3 ans ?

« Au bout de 11 ans passé dans un grand groupe, on finit soit par s’essouffler, soit pas s’ennuyer. J’ai eu la chance de gravir les échelons assez rapidement. Au bout de 3 ans, je deviens rédacteur en chef adjoint puis en 1 an et demi je suis nommé rédacteur en chef. Le challenge est vite relevé. Trop vite relevé. J’avais flairé que les médias opéraient des mutations profondes dans les mois ou les années à venir. C’est aussi une question de rencontres. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré le co-fondateur d’Ion News. Lui avec des compétences dans l’industrie de l’informatique, les réseaux sociaux et moi avec mes compétences journalistiques. »

Comment Ion News arrive-il à se frayer un chemin face à grands groupes comme la MBC ?

« En 2013, on faisait face à une méfiance exacerbée des Mauriciens envers la radio télévision nationale, la MBC. Se frayer un chemin face à la MBC, c’était la chose la plus simple à faire, en fait. On sentait qu’il y avait un besoin de regarder de l’information en vidéos ailleurs qu’à la télévision. On l’a fait. Le simple fait de dire “Nous ne sommes pas la MBC” a créé de l’audience du jour au lendemain. On ne s’est pas frayé un chemin, on a créé le chemin. La MBC générait ses pics d’audience au journal de 19 heures 30. Aujourd’hui, nous réalisons tous un journal à toute heure de la journée. Ce qui était le monopole à une heure précise de la MBC est devenu le terrain de jeu de plein d’acteurs des médias. »

Avez-vous des projets pour faire grandir votre bébé, Ion News ?

« On va adopter une stratégie qui a déjà fait ses preuves en presse écrite. Il y a un tronc qui reste, la politique, et autour on est en train de créer des magazines hebdomadaires sur l’enseignement supérieur, la technologie, l’automobile, la santé, qui segmentent le marché pour pouvoir toucher une cible beaucoup plus précise, qui, peut-être ne s’intéresserait pas en temps normal à nos contenus habituels. On va également produire plus de contenus dans un format plus classique avec des commentaires. »

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Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.