Les services vidéos des journaux en ligne belges au cœur d’une guerre administrative

Outils indispensables aujourd’hui pour les éditeurs de presse, les vidéos constituent un moyen d’attirer une nouvelle audience. Mais ces plateformes doivent être régulées.

La vidéo, accessoire ou média à part entière ? C’est la question qui se pose en ce moment dans l’esprit de la presse belge et du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA). Au début du mois, le gendarme de l’audiovisuel a notifié que les éditeurs de presse seraient entendus à propos de la déclaration de leur plateforme vidéo. Les entreprises concernées par cette convocation sont Roussel, Sud Presse, IPM et les Éditions de l’Avenir. Le régulateur de l’audiovisuel déplore que les éditeurs de presse n’aient pas fait la déclaration de leur service de médias audiovisuels. En cause ? Les chaînes Dailymotion du Soir, de l’Avenir, de Sud Presse, de la Libre et de la Dernière Heure (la DH), ainsi que les onglets vidéo des sites internet de La Libre et de la DH.

Le CSA et ces entreprises de presse ne partagent pas la même vision des plateformes vidéos disponibles sur leur site web. Pour le gendarme de l’audiovisuel, les pages vidéo ont une fonction autonome par rapport aux articles sous forme de texte, qui restent toutefois l’activité principale de ces médias. Dès lors, puisqu’il ne s’agit pas simplement d’un gadget ou d’un faire-valoir, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel estime que les quotidiens belges francophones doivent être considérés comme des médias audiovisuels. Ceci explique pourquoi le CSA hausse le ton ces jours-ci, lui qui n’est pas en charge de réguler la presse papier, mais, comme son nom l’indique, de tout ce qui est relatif à l’audiovisuel. Dès lors que les entreprises de presse font appel à des services vidéo, le CSA demande à ce qu’elles soient soumises à une régulation adéquate.

Le son de cloche est différent pour les éditeurs de presse. De leur côté, ils ne considèrent pas l’emploi de vidéos sur leur site internet comme des services audiovisuels, et insistent sur le caractère “accessoire” des vidéos qu’ils produisent. Catherine Anciaux, secrétaire générale de La Presse.be et représentante de l’ensemble des éditeurs, assure que “ces services n’existeraient pas si les informations n’étaient pas traitées ailleurs, dans le cadre de l’activité principale des éditeurs qui est basée sur l’écrit”. Une situation d’autant plus difficile à supporter pour les entreprises de presse qu’elles doivent déjà gérer les contraintes financières et publicitaires. C’est donc un obstacle supplémentaire, administratif cette fois-ci, qui s’ajoute aux impératifs de ces services de presse. Ces derniers regrettent que le CSA leur mette des bâtons dans les roues, alors que la pérennité de leurs journaux est de plus en plus mise à mal.

Le Centre d’Information sur les Médias a révélé dernièrement le classement des ventes 2017 de la presse quotidienne belge francophone. Les conclusions ne sont pas rassurantes pour les acteurs du marché, puisque ce dernier a reculé de 5,49% par rapport à l’année précédente. Les chiffres sont plus significatifs encore lorsque l’on fait un comparatif sur les dix dernières années. Sur une décennie, les ventes de “La Dernière heure” ont reculé de près de 55%, celles du “Soir” reculaient de 30%, et La Libre perdait 25%.

L’attitude du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel est donc difficile à digérer pour les entreprises de presse. Elles qui voient leurs chiffres de ventes diminuer d’année en année regrettent la posture très offensive du gendarme de l’audiovisuel. D’après Le Soir, certains envisageraient même d’abandonner leur plateforme vidéo si le CSA décidait d’aller jusqu’au bout de sa démarche, qui se solderait par des amendes. Le fin mot de l’histoire sera donné avant l’été, le temps que les médias soient auditionnés par le régulateur de l’audiovisuel. Réponse fin mai.

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Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.