Kiosque à journaux situé à côté de la place Bellecour.

Crédit photo : Hugo Bachelet-Heyché

Déclin de la presse : les journaux coulent et n’ont papier

Cet article a été publié dans le cadre d’une journée de simulation de rédaction web. Il a été validé, écrit, relu, et corrigé par les élèves, en totale autonomie.

En à peine dix ans, le marché de la presse papier en France s’est écroulé : un recul de 30% constaté entre 2010 et 2020. Une tendance à la baisse qui s’explique par un changement d’habitudes des lecteurs, et qui contraint les médias à amorcer une transition vers le numérique.

Ici je range les quotidiens, là, c’est la presse féminine, elle se vend bien. Ici, derrière, c’est la presse spécialisée. Et au fond toutes les revues de sport.” Anthony fait le tour du propriétaire, dans les allées encombrées de cartons et piles de journaux. 

Ce kiosque de la Place Bellecour est l’un des derniers. Le nombre de ce type de points de vente est réduit à peau de chagrin : il n’en resterait plus qu’une dizaine à Lyon. Lorsqu’ils ne disparaissent pas, ils sont reconvertis en fleuriste ou en café

La presse c’est un produit d’appel, qui me prend beaucoup de temps […] au fond, je m’en passerai bien

Ali – Kiosquier

Anthony tient la boutique depuis près de 6 ans. D’après lui, la presse représente entre 25 et 30% de son chiffre d’affaires. Les jeux à gratter et la cafetière assurent la majorité de ses rentrées. Si les ventes de journaux et magazines restent stables, il concède réfléchir à l’après : « La clientèle qui vient acheter son journal est un peu vieillissante. Je comprends que dans les années à venir, je vais devoir me passer d’une partie de ces revenus-là, à moins que l’on invente une eau de jouvence !” Anthony est pourtant bien lotis, avec un emplacement stratégique : pour cet autre kiosque du Cour Gambetta, dans le 7e arrondissement, la presse ne représente qu’une infime partie des recettes. « En moyenne, sur un mois, le papier pèse moins de 5% de mon chiffre d’affaires » explique Ali, kiosquier depuis un an et demi. “La presse c’est un produit d’appel, qui me prend beaucoup de temps. Au fond, je m’en passerai bien : ça ne me fait presque pas gagner d’argent.

Chiffres en chute

Les chiffres indiquent un incontestable déclin du marché de la presse papier. Selon un rapport publié par la Direction des Médias et des Industries Culturelles (DMIC), les revenus du secteur sont en chute libre. Entre 2010 et 2020, un recul de 32% est observé. Surtout, la tendance n’est pas au renouvellement de l’offre. La Commission Paritaire des Publications et Agence de Presse (CPPAP), qui examine et certifie les publications, note une baisse de 53% des dossiers de demande entre 2015 et 2020. Dans le même temps, le nombre de pure players (les médias seulement disponibles en ligne) explose. Cela signifie que les nouveaux médias boudent le print au profit du numérique.

Stratégie Numérique

Au sein de la rédaction de la Voix de l’Ain, hebdomadaire local du département, ce changement a été fait tout récemment, fin 2023. “Sous l’impulsion de Nicolas Bernard, notre directeur de publication et avec l’arrivée de Marc-Pascal Fermont, journaliste web, on a décidé d’effectuer une vraie transition vers le numérique“, explique Cyprien Dumas, journaliste de l’hebdomadaire depuis une dizaine d’années. “Avant on utilisait le site seulement pour faire du “teasing”, on coupait une grosse partie de l’article pour encourager le lecteur à acheter notre version papier”.

Ce changement reste pour autant discret et compte s’inscrire dans la durée plus que d’opérer de façon brutale. Et pour cause, difficile pour le moment de se passer entièrement de la version papier, qui garde une utilité économique malgré le coût de l’impression et de la distribution. “Pour l’instant, la Voix de l’Ain reste un journal rural, avec un gros socle d’abonnés dans la version physique, et le média fonctionne aussi grâce aux annonces légales, qui rapportent quasiment 900.000 € par an. Mais, même s’il est difficile de prévoir précisément l’avenir, les indicateurs montrent que le papier est sur le déclin”. Malgré ce constat sans appel, la direction à prendre suscite le débat au sein du média. “On se pose forcément la question de garder, ou non, la version papier. Dans la rédaction, c’est un peu le choc des générations. Pour les anciens, le format papier est ce qui les nourrit, mais pour les nouveaux venus, fraîchement sortis d’études de journalisme et déjà formés à l’écriture web, la transition vers le net est naturelle”.

Justement, cette arrivée vers le numérique force les rédactions à changer de fonctionnement. “Maintenant on pense au web lors de nos conférences de rédaction. On est un journal hebdomadaire mais on pense la version numérique comme un quotidien. Lorsqu’on a un article avec une actualité “chaude”, on la sort directement, sans que ça nous empêche de la sortir dans le journal papier de la semaine d’après. On pense aussi à des exclusivité web, pour pousser à l’abonnement numérique”. Dans l’écriture, les journalistes repartent aussi d’une page (web) blanche. “Depuis peu on a commencé une formation sur l’écriture web. On s’habitue à améliorer le référencement, à chercher des titres plus accrocheurs aussi. On apprend à écrire pour Google en quelque sorte”.

On apprend à écrire pour Google

Cyprien Dumas – Journaliste à la Voix de l’Ain

Par Hugo Bachelet-Heyché et Romain Zanol

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.