Adopté le 26 mars par le Parlement Européen, le Media Freedom Act promet une protection des journalistes face à une dégradation de l’environnement médiatique en Europe. Il impose aux médias des exigences de transparence, d’indépendance éditoriale vis-à-vis des acteurs économiques et politiques. La Hongrie, où les médias deviennent depuis 2010 des outils de propagande du gouvernement Orban, a été la seule opposante à l’adoption de la directive européenne.
Le mardi 26 mars, les 27 États-membres de l’Union Européenne ont adopté le Media Freedom Act, une directive initiée en 2022 par la Commission Européenne et qui vise à protéger les droits des journalistes et des médias. Si l’accord est historique dans le sens où il concerne directement les éditeurs et les médias, des réticences ont été exprimées par certains pays membres, au risque de fragiliser le texte. Sans grande surprise, la Hongrie a été le seul État-membre à s’être opposé à l’adoption du Media Freedom Act. Depuis 2010, année de réélection de Viktor Orban, le Premier Ministre hongrois alimente un climat hostile pour les rédactions.
EFJ calls for immediate & ambitious implementation of the #MediaFreedomAct « We need now political will at national level. And remember: spying on journalists has no space in the #EU »‼️@efjeurope https://t.co/Xh9RBYQOO5 @MediaGFMD @EUI_CMPF @ECPMF @IFEX @globalfreemedia
— Renate Schroeder (@renatemargot) March 26, 2024
Un hold-up politique des médias publics et privés hongrois
À l’inverse de la France où on observe une concentration croissante des médias par de riches hommes d’affaires, en Hongrie, c’est un contrôle des médias par le gouvernement qui se joue depuis une dizaine d’années. Tour à tour, les piliers de l’état de droit, la justice et les médias, perdent leur indépendance et sont subordonnés au Parlement. « En 2021, la justice hongroise a enterré Klubradio, la dernière radio indépendante du pays, forte et critique du parti majoritaire », précise Renate Schröder, directrice de la Fédération européenne des Journalistes (FEJ).
En 2018, le parti crée la Fondation des médias et de la presse d’Europe centrale (KESMA), « grâce à laquelle il consolide un paysage médiatique pro-Orban », développe-t-elle. À travers cet outil, les propriétaires de médias proches du Premier Ministre transfèrent leurs compétences à la fondation. De cette manière, le parti de Viktor Orban détient la mainmise sur près de 500 médias privés du pays, journaux locaux, sites web… « Depuis 10 ans, nous sommes dans une orbanisation des médias. Le Premier Ministre détient aujourd’hui 80 % du paysage médiatique hongrois. »
Des pressions économiques pour endiguer le pluralisme des médias
Les médias indépendants peinent également à émerger. Si d’une part, les journalistes s’autocensurent fortement par peur de perdre leur emploi et ne se risquent pas à s’opposer aux choix éditoriaux, le gouvernement Orban prive les rédactions de ressources financières. « Sans argent, il n’y a pas de journalisme. Viktor Orban a été très intelligent car il a su très vite qu’il fallait exercer des pressions économiques sur les rédactions critiques du gouvernement ou d’investigation pour les faire couler », analyse Renate Schröder.
Le Media Freedom Act, une réussite en demi-teinte
Face à cette emprise du gouvernement Orban qui crispe les rédactions hongroises, l’Union européenne demeure impuissante. « La régulation que prévoit le Media Freedom Act ne pourra rien pour la Hongrie puisque le pays ne détient plus de tribunaux indépendants auxquels les journalistes peuvent porter un recours. Le gouvernement prévoit aussi de mener cet acte à la Cour Européenne pour l’affaiblir », poursuit Renate Schröder.
L’empire médiatique que s’est construit depuis 2010 la majorité est tel que le journalisme hongrois est une peine perdue. « Le Media Freedom Act n’est pas en capacité d’améliorer la situation des médias hongrois. Mais il peut éviter qu’il y ait d’autres Hongrie. On a déjà constaté des attaques à la liberté de la presse en Slovaquie, en Slovénie ou même en République Tchèque », conclut, sans trop de conviction, Renate Schröder.
Retrouvez sur Instagram une publication sur le traitement médiatique du parti d’extrême-droite allemand, l’AfD.
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