Julie Gaubert, journaliste alumni du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques à Lyon 2.

Quand la passion dépasse les sacrifices : le quotidien mouvementé d’une journaliste matinalière TV

Écrit par MALAIZÉ Lucy, SZTUPECKI Eva et CAVALCANTI Isadora

Julie Gaubert est journaliste, éditrice visuelle à la matinale de ICI Provence. Elle se confronte tous les matins au quotidien du métier de journaliste matinalière en audiovisuel : levée à 3 heure du matin, elle enchaîne les préparations pour le journal. Malgré un quotidien éreintant et des conditions de travail instables, elle continue d’être passionnée.


Julie Gaubert est assise à son bureau, chez elle en après-midi. À 16h, sa journée de travail est terminée depuis plusieurs heures. Nous la rencontrons donc dans ce qu’elle appelle “sa seconde journée”. La mine joviale, elle nous raconte spontanément le quotidien de sa profession, songeuse : “Je me souviens du chiffre de Jean-Marie Charon, le sociologue. Il disait que le temps moyen d’existence dans le journalisme était à peu près 15 ans avant de faire un burnout ou une reconversion professionnelle.” C’est aux Assises du journalisme de Tours en 2021 (14ème édition) que le sociologue avait présenté son étude dénonçant les conditions de plus en plus précoces des journalistes, publiée dans son ouvrage “Hier journalistes : ils ont quitté la profession”.

« Il disait que le temps moyen d’existence dans le journalisme était à peu près 15 ans avant de faire un burnout ou une reconversion professionnelle. »

Des conditions de travail encore précaires …

Dans cette enquête, un des critères qui justifiait ce chiffre était le fait que les journalistes soient souvent embauchés en CDD et plus difficilement en CDI. Le CDD qui a augmenté dans le domaine du journalisme, implique un salaire moins élevé et une moindre sécurité professionnelle. C’est le cas de Julie Gaubert actuellement en CDDU (CDD d’Usage) à ICI provence (anciennement, France Bleu Provence). “Je travaille du lundi au vendredi, de septembre à juin. Je devrais donc être considérée comme un CDI mais l’agence de presse qui m’emploie a trouvé une faille juridique pour ne pas avoir recours au CDI. Dans le monde de l’audiovisuel, les CDDU sont tolérés bien que leur recours systématique ne soit pas légal.” 

En 2016 une journaliste de BFM a dénoncé le fait qu’elle produisait la même quantité de travail que ses collègues en CDI sans avoir pourtant droit à la même protection qu’eux : arrêt maladie, congés payés, cotisation de retraite etc. Cette journaliste est allée porter plainte et a eu gain de cause. Une problématique encore épineuse, sur laquelle le Syndicat National des Journalistes (SNJ) se penche régulièrement : “Il faut continuer à faire respecter les lois et éviter que les employeurs prennent trop de libertés.” dénonce Julie.

Malgré un métier très prenant… 

Une insécurité loin d’être justifiée par un volume horaire insuffisant. Tous les jours, c’est une véritable bataille contre le temps menée par Julie, qui alterne les casquettes. Sa journée commence par un lever aux aurores, à 3 heures du matin. À 4 heures du matin, l’heure est encore à la préparation du journal pour un lancement de l’émission à 6h28. “Je m’occupe de la diffusion d’une émission télé en direct. Je fais du montage, de l’habillage vidéo, de la rédaction de brèves, de titres, de la gestion de caméras en temps réel. Donc, j’ai la casquette de réalisatrice, titrière, monteuse et de journaliste pour chercher des informations, les écrire et m’assurer de la véracité des faits. Je suis multi-cartes.” 

« Je crois que ça va m’amuser encore un peu parce c’est quand même du plaisir avant tout ce métier. En fait, il y a cette adrénaline d’être assez efficace qui me plaît beaucoup. »

Sa deuxième journée commence vers midi, lorsqu’elle sort du travail. Sa “journée de personne” comme elle l’appelle. C’est le moment où elle sort au marché, quitte le monde des écrans pour profiter du plein air. Une “journée de personne” écourtée, qui dépasse de peu le coucher de soleil. En effet, difficile de sortir le soir avec ses proches lorsque l’on se réveille à 3 heures du matin le lendemain. Un métier de sacrifices donc, qu’elle continue de faire par passion :  “Je crois que ça va m’amuser encore un peu parce c’est quand même du plaisir avant tout ce métier. En fait, il y a cette adrénaline d’être assez efficace qui me plaît beaucoup.”

Interview réalisée en 2023 dans les locaux d’Euronews.

Qui continue pourtant de l’animer… 

Si la passion continue d’animer Julie Gaubert, elle reconnaît sans mal que beaucoup de ses collègues ont fait le choix de changer de secteur professionnel. “J’ai connu plein de collègues qui, au passage de la trentaine, ont estimé avoir assez donné et ont voulu se réinventer ailleurs. Certaines sont profs, une fait maintenant de la tisane.”

Le sentiment de fatigue professionnelle, le risque du burn out et l’envie de reconversion, Julie ne les exclut pas. Mais elle estime ne pas avoir fait le tour de la profession et reste tranquille sur le fait de pouvoir se réinventer dans des métiers comme l’enseignement ou l’éducation aux médias. La journaliste nous explique vouloir continuer dans le domaine du journalisme sans néanmoins continuer dans la profession de matinalière sur le long terme. “Le journalisme continue encore de m’animer. J’ai l’impression de ne pas avoir testé plein de choses encore donc c’est plutôt chouette. Pour autant, le rythme de matinalière commence à piquer un peu. Je pense que je suis là encore pour une saison le temps de trouver autre chose.” Une chose est sûre, en dépit des sacrifices requis par la profession, Julie Gaubert n’a pas tourné sa dernière émission. 

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.