Autrefois porte-drapeau de la jeunesse, le Parti social-démocrate d’Autriche (SPÖ) est en crise. Avec 22 % aux législatives du 29 septembre 2024, il atteint son score le plus bas depuis 1945. C’est dans l’atmosphère traditionnelle d’un café viennois que Flavio Schily, président de section du SPÖ, a choisi de livrer son point de vue.
« Les jeunes ne votent plus pour nous, et c’est inquiétant, car ce sont eux les électeurs de demain », confie amèrement Flavio Schily, président de section du Parti Social-Démocrate (SPÖ). Dans ce café au cœur de Vienne, il semble peser chacun de ses mots. L’électorat jeune, longtemps fidèle au SPÖ, semble désormais se déconnecter d’une gauche qui a du mal à se renouveler face à des préoccupations économiques. À 22 % lors des législatives du 29 septembre 2024, le parti enregistre son pire score depuis 1945. Cet effondrement a lieu dans un pays où, traditionnellement, la moitié de la population se dit ou vote à gauche.
Crise de confiance et désillusion
En 2007, l’Autriche devient l’un des premiers pays au monde à permettre le vote dès seize ans. Cette mesure, censée renforcer l’engagement civique, introduit 400 000 nouveaux votants dans une population de neuf millions d’habitants. Pourtant, ce potentiel électoral se détourne massivement du SPÖ. Les causes sont multiples. Flavio Schily évoque en premier lieu une « crise de confiance » remontant à la crise financière de 2008 : « Les gens pensent que nous avons vendu notre âme aux libéraux en sauvant les banques, alors que nous aurions dû défendre les travailleurs ». Ce sentiment de trahison a laissé des traces, amplifiées par la gestion récente des crises liées à la pandémie de COVID-19, à l’inflation et à la guerre en Ukraine.
Une gauche à bout de souffle
L’image du SPÖ joue aussi un rôle. Là où les Verts et les NEOS (Nouvelle Autriche et Forum Libéral), partis progressistes, se distinguent par leur dynamisme et des figures jeunes et connectées, le Parti Social-Démocrate pâtit d’une direction perçue comme vieillissante. « Quand vous regardez nos leaders, ce sont tous des hommes âgés. Face à cela, les Verts ou les NEOS paraissent plus jeunes, plus modernes », explique Schily, en remuant son café.
Il évoque les années 1990, quand voter SPÖ reflétait un acte de rébellion. Jadis, le parti portait des avancées sociétales majeures, comme la décriminalisation de l’homosexualité et les droits des femmes. « À cette époque, voter pour nous était un acte de révolte contre les conservateurs perçus comme rigides et dépassés. Aujourd’hui, nos combats sociaux sont repris par d’autres, qui savent mieux parler aux jeunes », confie le politicien de 26 ans. Résultat : « Les jeunes libéraux se tournent désormais vers les NEOS et les Verts, et ceux de droite basculent vers le FPÖ ».
L’extrême droite séduit les jeunes électeurs Autrichiens
Parallèlement, le FPÖ (parti d’extrême droite autrichien emmené par Herbert Kickl), s’impose comme une force majeure parmi les jeunes des zones rurales. Son discours populiste, centré sur l’immigration et la sécurité, trouve un écho particulier auprès de cette jeunesse en quête de repères : « Dans les petites villes, les jeunes hommes adoptent massivement le FPÖ. Ils se sentent menacés par les transformations sociétales et expriment leur malaise par ce choix politique », explique Schily en ajustant ses fines lunettes rondes. Une étude menée par Halla, Wagner et Zweimüller (2015) a démontré que dans les régions autrichiennes avec une proportion élevée d’immigrants peu ou moyennement qualifiés, le soutien pour le Parti de la Liberté d’Autriche (FPÖ) augmentait. Le phénomène s’amplifie dans les zones reculées où les réalités urbaines sont caricaturées. « Dans certains villages du Tyrol ou de Haute-Autriche, on n’a jamais croisé un Syrien ou un homme noir, mais les journaux de droite alimentent une perception alarmiste. Ils imaginent Vienne comme une ville en déclin, submergée par la violence », constate le candidat démocrate. Ces observations sont corroborées par Ruth Wodak, politologue autrichienne, qui met en avant l’attrait du FPÖ pour les jeunes hommes, souvent sensibles à un sentiment de vulnérabilité face aux transformations sociales. « C’est une réaction émotionnelle face à une masculinité perçue comme menacée », ajoute Flavio Schily.
Mais l’Autriche n’est pas un cas isolé. Partout en Europe, les partis d’extrême droite surfent sur les fractures générationnelles et sociales. Leur promesse : un retour à des valeurs « normales », face à un progrès perçu comme menaçant. Cette poussée traduit une société en tension : d’un côté, une jeunesse séduite par un futur inclusif ; de l’autre, ceux qui préfèrent s’accrocher à un passé idéalisé. Pour les partis traditionnels comme le SPÖ, incarné par Andreas Babler, la tâche est de taille : regagner la confiance d’une génération qui semble déjà ailleurs. « Avec Babler, pas de blabla », plaisante Flavio Schily, qui ne perd pas espoir.
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