À 42 ans, l’explorateur belge Christian Clauwers, photographe et conférencier, témoigne d’un monde en pleine mutation. Entre deux conférences, il exprime son amertume : celle d’être parmi les derniers explorateurs à contempler un environnement encore préservé, mais déjà en péril.
« J’ai vraiment l’impression d’assister à la fin du monde », avoue Christian Clauwers. Photographe, conférencier et Ambassadeur du Pacte Climatique Européen, il arpente les extrémités de la Terre avec l’œil d’un homme conscient de l’urgence. À travers le monde, il plaide pour un sursaut collectif face au dérèglement climatique. Depuis Paris, il prend quelques minutes pour partager son inquiétude quant à ce monde en mutation.
Quand la curiosité devient mission
Diplômé en sciences politiques à Anvers, Christian Clauwers ne s’est pas contenté d’étudier le monde derrière un bureau. Il l’a exploré. Il y a dix ans, c’est le déclic. Son voyage sur le Spitzberg, la plus grande île de l’archipel du Svalbard, a changé sa vie. Là-bas, il accède à un lieu mythique : la réserve mondiale de semences, surnommée la « chambre forte de l’apocalypse ». Un sanctuaire où des millions de graines sont conservées pour préserver la biodiversité agricole en cas de catastrophe planétaire. « Cet endroit est fascinant mais glaçant. Il symbolise à la fois notre capacité à préserver, et l’ampleur des destructions causées par l’Homme » , s’étonne l’explorateur belge. Depuis ce jour, sa curiosité est devenue un engagement. « Ma vraie mission c’est de construire des ponts entre le monde scientifique, le monde politique et industriel parce que ce sont des réalités différentes », car derrière chaque cliché de Clauwers, il y a une urgence, un cri silencieux.
Immortaliser la disparition du monde
À travers ses photographies et ses interventions publiques, Christian Clauwers cherche à exposer l’urgence du dérèglement climatique et à révéler les conflits croissants entre l’humain et la nature. Mais son combat ne se limite pas à un simple témoignage. Au-delà de l’immédiat, son regard se tourne vers l’avenir. Il contribue à des projets comme l’Arctic World Archive, un dépôt sécurisé d’informations et d’images dans le Svalbard. Le globe-trotteur garantit ainsi la conservation de son travail pour les générations futures. Elles pourront voir et comprendre ce que le monde a perdu. « À travers mes photos, l’objectif est de laisser une mémoire visuelle de ce monde en mutation, pour que dans quelques milliers d’années on puisse voir l’ampleur des changements », explique-t-il en choisissant méticuleusement ses mots. Il se considère à la fois comme un témoin proche des évolutions de notre planète mais aussi comme un acteur impuissant : « Je fais partie de cette dernière génération d’explorateurs capables de voir un monde encore « intact », et ça me touche beaucoup ». Un privilège accompagné de responsabilités, qu’il résume par sa mission : immortaliser, sensibiliser et agir.
« Il est peut-être déjà trop tard »

Les signes du dérèglement climatique ne se cachent plus : « Quand je regarde les glaciers reculer au Spitzberg (Svalbard, NDLR), l’élévation de la mer du Ross en Antarctique ou encore le permafrost dégeler au Groenland, je me dis que tout s’effondre sous nos yeux. »
Ses voyages l’ont mené des 81° Nord aux 78° Sud, des régions polaires aux îles menacées par la montée des eaux, de la salinisation des réserves d’eau douce aux érosions côtières, comme celles du Pacifique. « Nous ne pouvons plus ignorer ce conflit entre les êtres humains et la nature », résume le photographe. Les données issues d’un rapport de l’UNESCO publié en 2022, qui révèlent des pertes alarmantes des glaciers classés au patrimoine mondial, corroborent son ressenti. Entre 2000 et 2020, le Fjord glacé d’Ilulissat au Groenland a perdu près de 487 milliards de tonnes de glace. Des constats glaçants qui dessinent un avenir qu’il n’arrive même plus à envisager avec optimisme. « Il est peut-être déjà trop tard, et ça fait froid dans le dos », soupire-t-il, marquant une pause dans son discours. « Mais en même temps, il n’est jamais vraiment trop tard. Si nous abandonnons tout espoir, que reste-t-il ? Nous ne le saurons que si nous agissons », se reprend-il dans un élan de lucidité.
L’exploration moderne ne se résume plus à une quête personnelle, elle devient prise de conscience collective sur notre planète et son avenir. « Si nous n’agissons pas maintenant, il sera vraiment trop tard », prévient-il, avec l’espoir d’un avenir encore prometteur.
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