L’humour engagé de Jacob Durand pour sensibiliser à l’écologie

a microphone in a dark room with neon lights

Jacob Durand fait partie des humoristes engagés qui émergent depuis quelques années. Grâce à l’humour, le stand-uppeur lyonnais de 28 ans s’attelle à raconter des histoires sur nos façons de vivre aujourd’hui et celles de demain. 

À travers des thématiques comme les ressources naturelles, la place de la voiture en ville, l’efficacité énergétique, ou même les dinosaures, Jacob veut divertir. Sur scène, l’humoriste expose sa conscience écologique à différents public et livre sa méthode afin de sensibiliser sur la question par le rire.

Horizons médiatiques : Comment traites tu les questions écologiques sur scène ?

J’essaie de ne pas culpabiliser les gens, c’est le plus important. J’ai l’impression que mon travail, c’est de raconter des histoires qui soient aussi positives. Forcément, j’aborde des sujets lourds. L’idée, ce n’est pas de dire aux gens que c’est leur faute. Ce que j’aime faire, c’est partager des témoignages de personnes qui trouvent d’autres manières de vivre écologiquement, de façon optimiste sans que cela se résume à : « on a fait un compost, la vie est belle ». J’essaie de prendre des biais détournés pour aussi raconter des récits sous d’autres formes et expliquer que, par exemple, à Lyon en 1800, il y avait un système de traitement des eaux usées totalement différent de ce que l’on a aujourd’hui. C’était révolutionnaire, mais on l’a abandonné. Cela veut aussi dire que des alternatives existent et que l’on n’est pas forcément coincé dans le monde tel qu’il existe aujourd’hui.

Quelles sont tes techniques pour sensibiliser sur cette thématique par l’humour ?

Je m’appuie sur des travaux de chercheurs ou des articles historiques et scientifiques. C’est compliqué d’aborder ces sujets-là, car rapidement, si tu veux traiter des chiffres, tu es obligé de venir avec des graphiques. Tu viens avec ça, tu n’es pas le plus drôle de la soirée. Mais en réalité, je n’essaie pas de l’être. En dix minutes de sketch, je prends le temps d’avoir deux minutes qui sont peut-être moins drôles, mais qui permettent de placer un contexte pour que ce soit très comique par la suite.

Justement, comment le public réagit ? Quelles sont tes impressions sur scène ?

Il y a deux réactions. J’ai joué dans des cafés théâtres dans l’ouest lyonnais où les spectateurs sont un peu plus âgés et peuvent avoir une orientation politique peut-être plus à droite que moi. J’arrive en parlant d’amour et d’écologie, et je sens que j’étais la personne « bizarre » de la soirée. À l’inverse, il y a des gens qui ne venaient pas sur les scènes de stand-up il y a quelques années, parce qu’ils en avaient ras-le-bol que ce sujet-là soit maltraité. Maintenant, ils sont heureux de trouver cet humour-là. Mon objectif, c’est que, sur 40 personnes qui m’ont écouté ce soir-là, il y en ait au moins cinq qui repartent avec une nouvelle information en tête. Dans ce cas, je considère que j’ai fait mon travail.

Est-ce un sujet qui s’adresse plus aux jeunes ou se sentent-ils plus concernés ?

Je ne pense pas que ce soit une question de génération, mais plutôt de savoir si les gens ont décidé d’intégrer ce sujet-là dans leur vie ou non. Samedi soir, j’ai fait deux scènes à deux endroits très différents. J’ai joué à Villeurbanne, dans un bar autogéré, dans un quartier fortement étiqueté à gauche. Le public a bien accueilli la question écologique et sociale. J’ai fait des blagues que j’avais écrites dix minutes avant, elles étaient engagées, elles me plaisaient beaucoup, et il y a eu de bonnes réactions. Puis, j’ai pris mon vélo, je suis allé jouer dans un comedy club dans le premier arrondissement, où le public est un peu plus en retrait et moins politisé. Je joue de temps en temps là-bas et chaque fois que j’aborde la question écologique, je sens qu’il y a toujours un certain recul de la part du public. Je n’arrive pas encore tout à fait à les amener avec moi. Ce n’est pas une question d’âge. À Villeurbanne, j’ai fait rire des jeunes comme des moins jeunes sur des sujets politiques et écologiques. Dans le premier arrondissement, les jeunes comme les vieux semblent un peu plus tendus sur ces mêmes questions. C’est plutôt où est-ce que l’on se situe dans la société.

Alors comment faire pour toucher ce public là, est-ce une volonté pour toi ?  

Je pense aussi que c’est une question d’énergie sur scène, et j’ai envie d’évoluer là-dessus cette année. Je suis très content de faire rire les gens qui sont déjà de mon côté. L’étape suivante sera de réussir à faire rire ceux qui ne le sont pas. C’est un exercice pour le public, qui accepte de rester assis pendant dix minutes à écouter quelqu’un qu’il n’aurait pas forcément écouté, en baissant sa garde. Mais c’est aussi un gros exercice pour les comédiens et comédiennes de tendre la main vers un public qui n’est pas forcément de leur côté. Le stand-up c’est faire en sorte que l’on se rencontre alors que l’on ne devait pas se croiser.

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.