Alors que l’IPBES (organisme intergouvernemental scientifique et politique de préservation de la biodiversité) annonçait fin 2024 les actions urgentes nécessaires pour stopper l’effondrement de la biodiversité. Dans la ville de Vénissieux, l’association Graines de Bio-Divers-Cité redonne place à la biodiversité urbaine en offrant aux habitant·es des moyens d’agir au cœur du bitume.
En décembre 2024, l’IPBES présentait, lors d’une conférence de presse en Namibie (pays du sud-ouest de l’Afrique), les actions nécessaires pour stopper d’urgence l’effondrement de la biodiversité. Un besoin de changement dans la manière dont les individus interagissent avec le monde naturel. C’est une mission que l’association Graines de Bio-Divers-Cité tente de mener à bien à Vénissieux depuis 2020.
À travers des balades pour explorer la flore urbaine (fleurs sauvages qui poussent en ville) ou encore des ateliers d’“éco-jardinage”, l’association souhaite que les habitant·es s’investissent dans la biodiversité de leur quartier. Des activités rendues possibles par la grainothèque de l’association, grâce à laquelle « on est indépendant sur la matière première pour nos actions et aussi pour proposer directement aux gens des espèces locales de Lyon (des espèces qui poussent naturellement en ville) », explique Kayle, salarié dans l’association.
Récolte et conservation de la flore locale
Située au centre associatif de Vénissieux, la grainothèque propose des trocs de graines lors des permanences hebdomadaires ou des fêtes de quartier, sans nécessité d’un échange immédiat. Les habitant·es peuvent ainsi récupérer des graines et en déposer plus tard. Cet espace conserve 80 espèces de flore indigène, c’est-à-dire de flore locale, en plus des graines de fleurs exotiques, de légumes ou d’aromatiques.
Toutes ces graines sont récoltées par l’association de mai à septembre chaque année, et parfois de commandes sur Internet. « On l’a fait un peu au début pour avoir plus de diversité, mais maintenant c’est rare », précise Kayle. L’association gagne peu de graines via l’échange, « Le troc se perd de plus en plus, souvent les personnes prennent mais ne rapportent pas » raconte Martine, la bénévole de 68 ans. « On est aussi devenus plus exigeants, on a besoin d’informations sur l’espèce : la variété, l’année de récolte… Avant, on nous ramenait des courges sans savoir laquelle, maintenant on accepte plus », ajoute-t-elle.

« Un peu de sciences participatives »
À côté des stocks de graines, dans des armoires bien remplies, chaque variété est répertoriée dans un catalogue, avec différentes informations : nom scientifique, exposition, type de sol nécessaire, période de floraison… Des renseignements soigneusement conservés par les bénévoles. « Sur Internet, quand il s’agit de fleurs sauvages, soit il y a très peu d’informations, soit elles ne sont pas fiables », raconte Kayle.
Ces classeurs se sont remplis au fil des années, explique le jeune homme : « Il y a des trucs où on se disait “ça peut se mettre en pot”, et puis au fur et à mesure, on s’est rendu compte que ça ne marchait pas du tout. On fait un peu de sciences participatives », aussi appelées sciences citoyennes ou collaboratives. Un savoir construit à travers les essais, parfois ratés, mais aussi avec les discussions. « À travers la grainothèque, ce sont aussi des échanges de savoirs lors des rencontres entre jardiniers, cela nous apporte aussi. » Martine

Le choix de graines non-hybrides
La difficulté du troc s’explique par la décision prise par l’association de n’accepter et proposer que des graines dites non-hybrides. Ces dernières diffèrent des graines hybrides, aussi appelées F1, qui sont issues d’un croisement fait en laboratoire ou dans des installations agricoles spécialisées, entre deux plantes pour marier leurs qualités (couleur, résistance…) afin d’avoir une récolte plus fructueuse. « Dans le commerce, ce sont majoritairement des graines hybrides qui sont vendues, alors qu’elles sont non reproductibles et donc qu’il faudra en racheter », regrette Kayle.
La question de la reproduction des semences hybrides a souvent été posée, amenant des réponses variées. Le ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire nuance sur son site Internet que les plantes hybrides « ne sont nullement stériles et produisent bien des graines. Toutefois, à la génération suivante (quand la fleure produit une nouvelle graine) , la récolte est très hétérogène (…), ce qui rend la reproduction des hybrides moins intéressante ». Les membres de l’association considèrent les graines non-hybrides plus intéressantes sur le plan économique, mais aussi au niveau de la biodiversité. Un point abordé aussi par Isabelle Goldringer, généticienne à l’INRAE (l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) au micro de Reporterre : « Au sein même d’une variété (non-hybride), chaque individu, chaque plante est unique, comme pour les êtres humains. »
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