Journalistes, policiers et sous préfets ont débattu sur le traitement médiatique des faits divers dans une affaire juridique, lors des 18e assises du journalisme de Tours. Les questions autour du huis clos et des procès ouverts au public ont également été mis sur la table.
« Les procès publics se sont démocratisés depuis 15 ans, ce qui constitue une véritable aubaine pour le journalisme. » Ces mots sont ceux d’Éric Dussart, journaliste judiciaire depuis 30 ans à La Voix du Nord. Les affaires Pellicot, Philippine, Le Souarnec se succèdent à un point tel qu’elles sont omniprésentes sur la scène médiatique. Rémi Audebert, avocat pénaliste au barreau de Paris, Guillaume Saint-Criq, sous-préfet et magistrat en détachement, Laurence Lairrey, policière municipale, et Éric Dussart se sont attelés à débattre lors de la conférence intitulée « Le procès, ultime théâtre du fait divers ». Un sujet qui bat son plein à l’heure actuelle
L’affaire des viols de Mazan est un marqueur de ce changement de mentalité. Le fait que Gisèle Pelicot ait tenu coûte que coûte à ce que son procès soit ouvert au public, « afin que la honte change de camp », a permis une prise de conscience collective. Éric Dussart le dit lui-même : « Il y a 20 ans, le procès Pelicot n’aurait pas pu être médiatisé ». Un marqueur d’un changement d’époque où, « il y a une vingtaine d’années, un procureur a refusé la demande d’ouvrir le procès au public, d’une avocate qui défendait une femme victime de viol, en lui rétorquant que cela ne se faisait pas », révèle Rémi Audebert.
La hantise du huis clos chez les journalistes…
Comme le résume Éric Dussart : « Les huis clos lors des procès sont la première peur des journalistes, car les réponses des avocats peuvent être très orientées, et l’absence d’audience ne laisse pas non plus l’opportunité au coupable présumé de réfléchir et de passer aux aveux sous le poids des regards. »
Historiquement, le huis clos a toujours été largement répandu, par peur de vouloir influencer les jurés, mais aussi pour éviter un chambardement médiatique non contrôlé. Les caméras et micros ont été interdits dans la salle durant de longues années, notamment lors des affaires sensibles.
…Mais la crainte de l’atteinte à la vie privé chez les magistrats
Aujourd’hui la souplesse est davantage au rendez-vous et les journalistes affluent dans les nimporte quel procès ou affaire juridique. Au point de prendre des risques, notamment en termes de protection de la vie privée et de l’identité des personnes impliquées. En marge de la conférence, Guillaume Saint Cricq a fait part de son inquiétude là-dessus : « Avec l’arrivée des caméras, on voit de plus en plus de personnes romancer les procès et les affaires sans pour autant connaître tous les tenants et aboutissants. On a un chevauchement entre les récits de la justice et ceux compris par les téléspectateurs».
Une époque qui tend vers l’information mais qui comporte également une part de risque, si la manière dont les les procès traités sont mal interprétées par un public toujours en quête d’affaire juridiques.
Antoine Froehly, Titouan Aniesa
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