Décembre marque la fin du premier semestre du calendrier universitaire. À l’Université Lumière Lyon II, certains étudiants sont pourtant toujours exclus du système scolaire. Chaque année, de nouvelles mobilisations s’organisent pour trouver une place à ceux que l’on nomme les « sans-facs », bloqués aux portes de l’enseignement supérieur.
*Le prénom a été modifié
L’incertitude. Le doute. L’errance. Trois mots qui ont rythmé la rentrée scolaire d’Emma*. Diplômée d’une licence LEA à Lyon 3, elle n’a pourtant pas pu accéder au master de son choix. “Je suis reconnue comme en situation de handicap, j’avais accès à une aide pendant les examens”, explique la jeune femme de 21 ans. Lorsqu’elle découvre ses résultats, Emma réalise que son aménagement n’a pas été pris en compte par l’administration, ses notes sont donc trop basses pour l’entrée au niveau supérieur. Elle lance un recours, puis patiente : “Je passe mon été à essayer d’obtenir mon relevé de notes, indispensable pour postuler en master”.
Lorsqu’elle finit par mettre la main sur le document essentiel, Emma a beaucoup de retard. Mi-septembre, elle est deuxième sur la liste d’attente, mais les classes sont remplies : l’aventure s’arrête ici. Prévoyante, l’étudiante a prévu un plan B : retourner en 3ème année de communication digitale et politique à l’Institut Supérieur de la Communication de Lyon. Seulement, le découragement et le manque de confiance qu’un tel refus a fait naître en elle la freine. “Tout ça m’a mis un coup au moral, à cause d’une erreur administrative, je subis une injustice. Je suis complètement HS”, confie Emma.
Une recherche de compromis
Soutenue et poussée par l’Union Nationale des Étudiants de France (UNEF), elle se dirige vers la vice-présidente de l’Université Lumière Lyon 2, Marie-Karine Lhommé. “On a eu quatre échanges peu concluants, dont un où on m’a proposé un master MEEF à Lyon 3, sans rapport avec mon projet d’études”, énonce Emma. Nombreux sont les “sans-facs” à qui on propose ainsi d’explorer un autre parcours parfois loin des intérêts professionnels initiaux des étudiants. “S’il n’y a pas de place dans la composante demandée, on met en avant une réorientation ou un redoublement”, développe Marie-Karine Lhommé, chargée de la formation.
Tous les ans, l’établissement et le rectorat votent le nombre de places disponibles par filière. “Humainement, c’est compliqué. On navigue entre l’impuissance et la légitimité. Si on fait une place pour une personne, il faut en faire pour les 30 autres derrière”, justifie la vice-présidente. Une lutte qui s’intensifie, pendant qu’un fossé se creuse entre le collectif les “sans-facs” et l’administration de Lyon 2.
Les différents critères d’entrée en études supérieures ne cessent d’alarmer les collectifs et syndicats étudiants qui s’acharnent à faire entendre la voix des concernés. “Le manque de moyen humain dans l’enseignement supérieur renforce le manque d’accès dans les premiers choix des étudiants”, confirme la chargée de formation.
Essoufflés, mais pas résignés
En soutien, un campement s’est organisé à l’Université Lumière Lyon 2. “Nous revendiquons directement l’inscription de tous les sans-facs”, scande le collectif du même nom ce 14 octobre 2024 devant le campus de Berges du Rhône à Lyon. Un rendez-vous reconduit chaque année. Rejoints et soutenus par le syndicat de l’UNEF, les deux groupes ont occupé la cour centrale de la faculté pendant trois jours à la mi-octobre. “On était là de jour comme de nuit. C’était une occupation pacifiste sans débordement ni dégradation”, clarifie Zazie Roques, secrétaire générale de l’UNEF.
Les tentes et la dizaine d’étudiants ont été délogés par les forces de l’ordre le mercredi au petit matin. “On nous a qualifiés d’hostiles, alors qu’on était simplement là pour protester”, renchérit Emma. Cela fait trois ans que l’Université Lumière Lyon 2 est animée par des occupations, tout comme les autres celles-ci étaient contraires au règlement intérieur “Il n’y avait pas 36 000 moyens de lever cette occupation, il faut faire appel à la police. C’est une routine, on sait qu’à chaque rentrée, on va avoir ce type d’événement”, accentue Marie-Karine Lhommé.
Face à des militants qui se sentent bridés dans leur lutte, il est difficile de prévoir les futures initiatives. Le premier semestre touche à sa fin et rend compliqué une inscription administrative pour ceux mis de côté depuis le début de l’année. “D’autant plus que si la fac envoie des CRS à chaque manif’, on n’a pas de moyen d’action”, éclaircie l’UNEF. “Au fur et à mesure que la répression s’intensifie, ça devient difficile de continuer la lutte.” Cette année, pour 28 demandes d’élèves “Sans-facs”, 12 propositions de cursus ont été faites par l’administration. Toutefois, la plupart de ces filières ne font pas partie des vœux d’études souhaités par ces jeunes.
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