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Derrière l’accord UE-Mercosur, les enjeux pour une agriculture plus écologique

Après 25 ans de négociations, l’accord sur les échanges commerciaux entre le Mercosur et l’Union européenne sera bientôt signé. Ce projet provoque des réticences et des discussions, notamment à propos de son impact écologique sur les deux marchés. L’enjeu est particulièrement important au Brésil, qui est le plus grand exportateur et déboiseur de l’Amérique du Sud.

Réduction de 90 % des droits de douane, simplification de l’export agricole d’Amérique du Sud, export de nombreux produits européens, voilà quelques dispositions commerciales de l’accord entre l’Union Européenne (UE) et le Marché commun du Sud (Mercosur). La Commission européenne a annoncé en décembre 2024 avoir conclu les négociations malgré l’opposition de plusieurs pays, dont la France. La principale critique : la différence des normes environnementales sur les productions agricoles entre les deux continents. 

Les paysans français sont ceux qui s’estiment les plus lésés. Ils dénoncent en particulier la libre utilisation des agrotoxiques et l’absence de régulation environnementale, qui provoqueraient, selon eux, une concurrence déloyale et un prix éventuellement bas. La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) a exprimé dans un communiqué de presse « des conditions inacceptables : utilisation d’antibiotiques activateurs de croissance, absence de traçabilité […], absence de droit social, déforestation… ».

D’ailleurs, de nombreuses fake news qui déprécient les produits du Mercosur circulent sur internet. Pour renforcer le préjugé, plusieurs politiciens français estiment la viande brésilienne comme peu qualitative. Lors de son discours au Parlement, le 27 novembre, le député UDR (Union des Droites pour la République), Vincent Trébuchet l’a discréditée : « nos assiettes ne sont pas des poubelles ».

Héritage de la colonisation : une agriculture tournée vers l’exportation

Depuis plus de 500 ans, la principale activité commerciale du Brésil reste l’exportation. Contrairement à d’autres pays comme les États-Unis et l’Australie, qui ont eu une colonisation de peuplement par l’Angleterre, le pays sud-américain a connu une colonisation d’exploitation. Cela signifie que les colons n’ont pas cherché à peupler la terre, mais à l’exploiter. Lors de l’arrivée des Européens sur le continent, les forêts ont été défrichées pour la commercialisation du bois de l’arbre Pau-Brasil, puis pour gagner de l’espace pour diverses plantations. Les biens exportés ont changé au fil du temps, mais le système de production est toujours le même. Actuellement, le soja est le produit le plus exporté dans le pays, il représente 40 % du total, selon Mapbiomas, un collectif engagé à cartographier et analyser le territoire brésilien. Toujours selon eux, la viande est le sixième produit le plus exporté, avec 3,2 %. 

Contrairement à ce qui a été diffusé sur les réseaux sociaux, la loi brésilienne prévoit qu’il est interdit d’utiliser des hormones à d’autres fins que le traitement médical. L’instruction normative n° 55 de 2011, publiée par le ministère de l’Agriculture et de l’Élevage dispose : « L’utilisation, l’importation, la production et la commercialisation d’hormones de croissance sont interdites ». En revanche,  le bétail du pays consomme effectivement du soja génétiquement modifié. Cependant, aucune étude ne montre qu’il est nocif pour la santé. Il s’agirait même de la forme de production la plus courante dans le monde. Le soja brésilien est également exporté vers la France pour nourrir son propre bétail.

La déforestation est elle aussi en pleine mutation au Brésil. En 2021, la dégradation de végétation naturelle sur le territoire brésilien s’élevait à 16500 km2 et l’agriculture en était responsable à 97 %, selon Mapbiomas. Toutefois, la déforestation en Amazonie a diminué de 45,7 % en 2024, par rapport à 2023.  Des améliorations donc, dans les chiffres, mais aussi dans les pratiques. 

L’agroécologie, une alternative en croissance

Le terme « agroécologie » vient d’un ensemble de concepts et de pratiques dans lesquels les connaissances de l’écologie scientifique sont utilisées pour la production agricole. La professeure d’université Joana Lessa assure que le sujet est en pleine expansion au Brésil : « l’agroécologie gagne de plus en plus de place ces dernières années ». Cette spécialiste du domaine met également l’accent sur le projet récemment signé, le Plan national pour l’agroécologie et la production biologique : « une victoire pour la nature du Brésil ».

En revanche, c’est encore un thème qui devrait prendre plus d’espace dans les années suivantes. En effet, le ministère de l’Agriculture brésilien a récemment refusé d’adhérer au Pronara, un autre plan qui vise à réduire l’utilisation des agrotoxiques. L’accord UE-Mercosur relance les débats en cours pour une agriculture plus écologique dans le pays.

« L’accord n’est pas un obstacle, c’est au contraire un avantage concurrentiel »

En termes environnementaux et commerciaux, les spécialistes des deux marchés sont plutôt pour l’accord de libre-échange. Adina Révol, ancienne porte parole de la Commission européenne en France, déclarait sur Arte : « C’est un accord gagnant au niveau de l’UE. Le Comté, par exemple, va pouvoir aller au Brésil. Aujourd’hui, les producteurs de comté payent 55 % des droits de douane pour exporter au Brésil ». Pour le politologue brésilien Thales Castro, « l’accord n’est pas un obstacle, c’est au contraire un avantage concurrentiel ». Il ajoute que, pour les pays d’Amérique du Sud, c’est une opportunité pour « surmonter les défis environnementaux ».

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.