Entre passion, échecs scolaires et coups de chance, Julien Gurhem, directeur du Kamon Shoten à Lyon, revient sur trois années d’aventures entrepreneuriales. Avec son manga café, il inspirera peut-être d’autres à suivre leurs rêves d’enfance.
Le mois de novembre dernier marque le 40ᵉ anniversaire de Dragon Ball, le manga qui a initié Julien Gurhem à un univers qu’il ne quittera plus jamais. Il est aujourd’hui à la tête du Kamon Shoten, un manga café niché dans une rue animée aux abords de la place Carnot de Lyon. Le trentenaire à la parfaite allure du barista fan de culture japonaise : avec son chignon serré, ses lunettes rondes et ses vêtements amples ornés de motifs colorés
À 35 ans, installé à Lyon depuis trois ans, Julien a enfin trouvé son équilibre dans cet espace qu’il a façonné. Mais les débuts sont loin d’avoir été idylliques.
Une idée venue d’un pari entre amis
L’idée de Kamon Shoten remonte à son enfance, nourrie par les heures passées à regarder le Club Dorothée avec ses frères. « Depuis qu’on est gamins, on parlait de créer un lieu comme ça », se souvient-il. C’est l’un de ses meilleurs amis, vivant au Japon, qui a relancé ce projet lors d’une visite en France. Ensemble, ils décident de se lancer dans l’aventure. Tout a commencé avec cette simple interaction : « Il m’a dit : “On y va cette fois ?” Et j’ai répondu : “Vas-y, je suis prêt.”»
Avec 80 000 € d’économies et un prêt arraché de justesse à la banque, le rêve devient réalité. Cependant, Julien ne se contente pas d’un simple café librairie. Il voulait faire plus qu’un lieu qui vend des mangas sans s’y connaitre, où qui sert de simples expressos, précise-t-il. Il s’associe avec un cuisinier et un pâtissier pour proposer des produits authentiques du Japon, souhaitant marier les savoir-faire et les cultures. Il suit même une formation de barista pour parfaire son service. La volonté de représenter son amour pour sa passion dans le lieu se ressent également avec des fresques de personnages sur les murs et des produits dérivés sur toutes les étagères.
« Je me suis fait virer de deux BEP.»
Le parcours de Julien est loin d’être habituel. Évoquant son adolescence, il avoue que ses années au collège étaient chaotiques. La situation persiste : « Je me suis fait virer de deux BEP, c’est là que je me suis dit que je devais me reprendre en main.» Contraint d’intégrer un lycée par ses parents, il rejoindra un BEP en vente, puis un autre en comptabilité, qui lui vaudront chacun une exclusion. C’est dans une petite librairie parisienne, où il trouve un job par hasard, que sa passion pour les livres prend forme. Il retrouve la motivation de reprendre un cursus scolaire et intègre l’école de libraires de Paris. « J’ai eu un coup de bol : l’école manquait d’élèves, alors j’ai intégré le cursus sans passer les tests habituels » indique Julien. De là, il gravit les échelons jusqu’à obtenir un master en métiers du livre.
D’abord conseiller de littérature classique, au fil du temps, l’élitisme des clients et des collaborateurs le lasse, expliquant qu’ils ont souvent la grosse tête. C’est un client de son ancienne librairie qui lui propose de devenir responsable du rayon manga de son magasin. Pour Julien, cette opportunité sonne comme une nouvelle chance. Ses voyages réguliers au Japon renforcent son amour pour cette culture, lui qui passait ses journées d’ado à lire les bande dessinées nippones. L’idée de gérer son commerce qui vend des ouvrages et propose des cafés, s’installe peu à peu dans son esprit.
Un début cauchemardesque pour un projet de rêve
Derrière la belle façade du café, les premiers temps de Kamon Shoten sont éprouvants. Julien explique que toutes ses économies y sont passées et que les banques qu’il contactait ne croyaient pas au projet, les soucis économiques s’ajoutaient à la pression mentale. « Je pense que j’ai fait une longue dépression. Je vendais du rêve à mes clients, mais pour moi, c’était un cauchemar au début » avoue le libraire. Il parle de ce moment comme « une sorte de vallée de la mort que traversent de nombreux entrepreneurs ». Bien que la situation s’améliore au fil du temps, le patron doit encore passer des nuits dans le magasin, afin d’assurer certaines matinées.
Pour Julien, ce sont ses proches et la satisfaction de ses clients qui l’ont maintenu à flot. « Je viens d’avoir un avis à 5 étoiles à l’instant, ça, c’est kiffant, tu vois.» Aujourd’hui, il est reconnaissant de cette aventure, aussi dure qu’elle ait pu être. Il conclut : « si quelqu’un veut se lancer, je lui dirai : ne t’arrête pas aux moments négatifs. Tu finiras par voir le positif.» Une leçon de vie qu’il a apprise au fil des ans, et qu’il partage désormais avec un sourire serein.
Kamon Shoten n’est pas juste un manga café, c’est le symbole de la persévérance d’un passionné. Comme dans les mangas qu’il vend, Julien Gurhem a traversé des épreuves qui l’ont fait grandir et a su s’entourer de ses proches pour accomplir son rêve.
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