Des chartes pour les fait divers : plus d’éthique, moins de sensation

La médiatisation des fait divers pose des questions déontologiques et éthiques. Pour proposer un journalisme plus responsable, ces acteurs mettent en place des chartes et suggèrent des préconisations d’écriture. Le sujet a été au centre des débats, à Tours, pour la 18e édition des Assises du Journalisme.

Face à l’évolution du paysage médiatique et à la montée du sensationnalisme, la couverture des faits divers pose un véritable dilemme aux journalistes. Informer sans exagérer, alerter sans inquiéter inutilement, rapporter les faits sans nuire aux victimes : autant de défis qui exigent une réflexion constante. C’est à l’occasion des Assises du Journalisme, à Tours, que la déontologie autour des faits divers a pu être débattue cette année. Pour encadrer ces pratiques et garantir un journalisme plus responsable, plusieurs initiatives ont vu le jour.

Des questionnements éthiques et déontologiques

Sébastien Georges, rédacteur en chef de L’Est Républicain, du Républicain Lorrain et de Vosges Matin, souligne que le but de la publication de ces chartes est “d’aller au-delà des questions légales”. Ces chartes servent de “boussole morale” ou de recueil de conseil, plutôt que de réel règlement, n’ayant pas pour vocation de répondre à chaque problématique qu’implique l’écriture de fait divers.

Il est avant tout demandé aux journalistes de faire preuve de réflexion, et de ne pas tomber dans un cas de conscience, qui pourrait entacher la perception des faits que le journaliste doit partager. Philippe Boissonnat, rédacteur en chef d’Ouest France, explique : “Par exemple : un quartier avec des guerres de bandes chaque jour sur une même période, on ne va pas en faire un feuilleton et en parler tous les jours. “ Ces initiatives révèlent une envie des médias de presse de fournir du contenu de fait divers raccord avec l’éthique du journal et de ses journalistes.

La volonté d’une écriture précautionneuse

Au-delà des chartes et des questionnements déontologiques, un soin particulier est donné à l’écriture par les rédacteurs. Caroline Devos, journaliste pour La Nouvelle République du Centre Ouest, exprime cette prudence rédactionnelle. Elle illustre ces propos par des exemples de principes journalistiques qu’elle a personnellement intégrés : “Nous protégeons les victimes et nous ne donnons pas son nom si elle est mineure. ” Explique-t-elle. La journaliste ajoute : “Parfois, le présumé coupables et la victime partagent des liens familiaux”. Dans ces cas-là, la journaliste ne donne pas d’information sur le nom du premier pour ne pas divulguer l’identité de la victime.

Pour lutter contre la surmédiatisation d’un fait diver, Caroline Devos ne partage pas non plus le nom du coupable au public s’il n’a pas reçu une peine d’emprisonnement ferme d’au moins deux ans. Cette volonté de protéger ne concerne pourtant pas les personnalités publiques comme les élus.
La nécessité d’indiquer des informations comme la religion ou l’origine du présumé coupable est aussi interrogée. La journaliste conseille de ne pas ajouter des informations inutiles pouvant créer la stigmatisation d’une communauté, mais plutôt de le préciser si cela est essentiel à la compréhension de l’enquête. La rédactrice donne l’exemple d’un média qui mentionnait dans un de ces titres que l’auteur d’un crime était d’origine tunisienne, sans que cela n’ai de rapport ou d’influence direct avec l’acte.

Sébastien Georges précise que les fait diversiers sont avant tout des “messagers” et des professionnels dans ce domaine. Ces enjeux engendrent des débats complexes autour d’un genre journalistique qui peut, par moment, entrer dans l’intime.

Un article écrit par : Romain C. , Emma P. et Sidinyidé O.

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.