Lors des Assises du journalisme de Tours, Patricia Tourancheau, journaliste, autrice et réalisatrice, a dédicacé en avant-première son nouvel ouvrage intitulé « Rubrique Faits divers ». Par cette nouvelle parution, la journaliste tente de rompre avec l’image de « Madame Guy Georges » en abordant d’autres thèmes de Police-justice. C’est également l’occasion de retracer un parcours atypique : du journalisme de fait divers conventionnel aux formats culturels immersifs. Patricia Tourancheau, à travers sa carrière, illustre la façon d’évoluer avec les nouvelles tendances médiatiques et numériques primées par le public.
Livre, podcast, mini-série bientôt sur nos écrans, Patricia Tourancheau ne s’impose aucune limite formelle lorsqu’il s’agit de raconter le fait divers. « Passeuse et conteuse d’histoires », c’est sa manière de résumer sa carrière faite de multiples casquettes. La journaliste se décrit comme « une fille de l’écrit », une passion qui s’est révélée dès l’enfance. Pendant ses vingt-neuf ans de carrière à Libération, tout en étant chargée des affaires criminelles et des faits divers, elle se lance dans la co-réalisation de documentaires : « avec l’arrivée des plateformes, des podcast, je me suis un peu engouffrée dans le truc ». Depuis, elle entremêle enquête journalistique et narration immersive. Cet élargissement aux nouveaux formats s’inscrit dans la tendance actuelle du « true crime » (documentaire criminel).
Face à un marché saturé, une polyvalence de formats
Pour le choix d’un sujet, Patricia Tourancheau dit ne pas se soucier du nombre de lecteurs et d’auditeurs, « si quelqu’un me pose la question de “tu crois que ça va intéresser les gens ?” Je m’en fous si moi elle me passionne ». Mais le marché du « true crime » est saturé et « vivre du livre on n’y arrive pas, vivre du podcast impossible, il faut panacher » précise la journaliste de 66 ans. La deuxième constatation de l’auteure-réalisatrice est que « les gens lisent très peu » mais son « dernier livre, les lecteurs se sont rués dessus car ce sont des petites histoires » précise Patricia Tourancheau, qui semble ne pas vouloir adapter le sujet mais bien le format au public.
Une carrière où on s’emmêle les pinceaux
Seulement, l’absence de cadre et de limites dans l’étendue de ses fonctions implique également une inconstance de principes. Patricia Tourancheau « refuse de faire des reconstitutions de crimes de sang » mais l’affaire Grégory semble déroger à cette règle : « on a reconstitué, avec l’accord de Christine et Jean-Marie Villemin, la chambre de Grégory avec la même tapisserie, avec les mêmes jouets ». Elle précise tout de même l’extrême dans lequel elle s’interdit de verser en citant un exemple concret : « j’ai vu des choses qui m’ont choquée : une série s’ouvre sur une petite fille attachée dans une camionnette, en caméra subjective. Ce n’est pas possible de faire ça ».
Un élitisme des journalistes face aux romanciers
Si son travail n’a de cesse de fleurir par le prisme culturel, Patricia Tourancheau se montre plus hostile face aux écrivains qui s’approchent de trop près du fait divers. Emmanuel Carrère et Philippe Jaenada, ses deux « chouchous » dont elle respecte le « travail de recherche, d’archives et de restitution » représentent les seules exceptions. Autrement, elle s’attache à tracer une ligne de distinction claire en rappelant les littéraires à l’ordre : « vous êtes romancier, faites preuve d’imagination ». Et cette opinion ne l’empêche pas de s’offusquer de l’accueil fait aux journalistes dans les institutions culturelles : « Les puristes de la culture continuent de considérer cela comme des romans de gare ». Mais, grâce à un pied solide ancré dans le fait divers « depuis trente-huit ans », elle ne doute jamais de sa « légitimité ».
Co-écriture : Ahlem Benamar, Camille Huguenot, Hugues-Richard Sama
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