aerial shot of body of water surrounded by trees

Mangroves vues du ciel. Photo de Joel Vodell/Unsplash

Trois futurs ingénieurs en quête d’une réponse pour les écosystèmes menacés d’Asie

La Voix de Ceux qui Veillent s’est lancée en 2024 dans un projet environnemental à l’international. Fondée par trois étudiants ingénieurs d’AgroParisTech, cette association a passé six mois en Asie du Sud-Est. Nicolas Castan, Nino Cousin Morin et Alexis Chouisnard ont observé et documenté la restauration de trois écosystèmes vulnérables. Interview.

area covered with green leafed plants
Forêt tropicale. Photo de Chris Abney/Unsplash

Les trois jeunes explorateurs nous rapportent les nombreuses controverses liées au processus de restauration. Définie par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) comme le « processus de reconstruction d’un écosystème qui a été dégradé, endommagé ou détruit. » 

L’association La Voix de Ceux qui Veillent a la volonté de mettre en lumière celles et ceux qui conservent et restaurent nos écosystèmes.
Tout au long de leur parcours, ils ont recueilli des témoignages et capturé des images de ces espaces menacés. Ils produiront un documentaire courant 2025 pour sensibiliser le public aux enjeux environnementaux et humains rencontrés au cours de leur mission.

Comment pourriez-vous définir La Voix de Ceux qui Veillent ?

Alexis : « Lors de notre césure pendant nos études d’ingénieur, nous avons fondé l’association La Voix de Ceux qui Veillent (LVCV). Le but est de mettre en lumière le travail de conservation et de restauration des associations sur les écosystèmes mondiaux. Pour notre première édition en 2024, on s’est rendus en Malaisie, en Thaïlande et en Indonésie. On a rencontré des acteurs et actrices de la restauration et de la conservation de trois écosystèmes : les forêts tropicales, les récifs coralliens et les mangroves.
On souhaite ensuite réaliser un film documentaire en 2025, afin de sensibiliser à l’urgence environnementale et de témoigner de la réalité du terrain. »

Pourquoi avoir choisi ce territoire ?

Nino : « C’était une destination pertinente car il y a beaucoup de documentaires sur la forêt amazonienne mais beaucoup moins sur l’Asie du Sud-Est. Pourtant, c’est un réservoir de diversité. Par exemple, le Triangle de Corail regroupe 30% des coraux mondiaux et a une grande diversité d’espèces.
On a réalisé que lorsqu’il y a des choses loin de nous et vues que par certains prismes, il est difficile de savoir si c’est la vérité. L’objectif de LVCV c’est donc d’aller rencontrer celles et ceux qui veillent sur ces écosystèmes : des associations, des habitant.es, des chercheur.euses ou encore les responsables politiques. »

Comment avez-vous réussi à porter un projet environnemental à l’international ?

Alexis : « On a conçu le projet de manière à ce qu’il s’inscrive dans des problématiques concrètes. On a demandé des financements, et finalement 30 % de notre budget était le fruit de deux appels à projets et de deux financements d’entreprises privées. Puis, on a été reconnu d’intérêt général par l’État et les dons ont été un peu notre second souffle. »

“On a découvert que c’était un sujet qu’il ne fallait pas trop creuser.”

Alexis : « Notre ligne directrice, c’est de ne pas en avoir. Ce sont les gens rencontrés, les informations scientifiques et la réalité du terrain qui ont dessiné la ligne directrice. On a commencé pendant 3 semaines à filmer l’industrie de l’huile de palme. On a découvert que c’était un sujet qu’il ne fallait pas trop creuser. Nous étions du côté de celles et ceux qui luttaient contre l’huile de palme donc on était protégé par une sorte de mafia locale, mais on n’a pas fait les malins non plus car le gouvernement a un poids énorme et la corruption est réelle. »

Plantation d’huile de palme. Photo d’illustration/Openverse

Que retenez-vous de cette mission ?

Alexis : « On est parti seulement avec le point de vue d’ingénieur environnement et on s’est rendu compte très rapidement que ce n’est pas le seul enjeu sur place à traiter. Les enjeux sociaux, culturels et politiques sont tout aussi importants. Ça se traduit par exemple par la complexité de pourquoi il y a de l’huile de palme. Ce n’est pas la faute des producteurs.trices, ni celle du gouvernement, mais plutôt un problème systémique. L’enjeu c’est réussir à dézoomer pour montrer la responsabilité des français.es et de leur consommation ou du crédit carbone (diminution ou suppression d’une tonne de CO2 ou de gaz à effet de serre équivalents par le biais de projets, ndlr) dans cet engrenage-là par exemple.
Pour la plantation d’huile de palme, ce qu’on en a retenu c’est d’inclure les communautés dans les projets de restauration. Reforester avec des arbres fruitiers peut générer une économie durable, là où un parc naturel fermé aurait échoué. Cela met en lumière une forme de “colonialisme vert” qui tend à exclure les populations locales et qui au final ne fonctionne pas. (Le concept de colonialisme vert a été introduit par Guillaume Blanc pour aborder la “naturalisation forcée” de territoires africains par des experts occidentaux. ndlr). »

“Avant de restaurer, il faut conserver, et si on restaure, c’est parce qu’on ne sait plus quoi faire d’autre.”

Nino : « Essayer de résoudre des problèmes qui ont lieu à l’étranger avec le point de vue européanocentré, ça n’a aucun sens. Les gens, là-bas, ne vivent pas comme nous et n’ont pas les mêmes problématiques de vie. Sinon, la phrase qu’on retient de quelqu’un qui travaillait sur les coraux c’est : “Avant de restaurer, il faut conserver, et si on restaure, c’est parce qu’on ne sait plus quoi faire d’autre.” Alors, quand on voit des projets de restauration, c’est soit que ce n’est pas fait dans les règles d’un point de vue scientifique, soit c’est la dernière chose qu’iels puissent faire. Cela en dit long sur l’état actuel des écosystèmes dans le monde. »

Louison Lecourt

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.